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Les éditions EMSPar Juliette Duszynski

Chef de projet
Agence d’Urbanisme de la région du Havre et de l’Estuaire de la Seine (AURH) – Le Havre

Par Emmanuel Préterre
Directeur Associé
Apsolu – Paris


Biographies

Juliette Duszynski et Emmanuel PreterreJuliette DUSZYNSKI est actuellement chef de projets à l’Agence d’urbanisme de la région du Havre et de l’Estuaire de la Seine, en charge des sujets économiques, logistiques et portuaires. Depuis 2010, elle apporte sa vision économique et spatiale au projet « Grand Paris - Vallée de Seine », notamment en portant cette approche « Seine Gateway® » comme stratégie de développement territorial et économique pour la vallée de Seine.

Titulaire d’une maitrise de géographie (Université de Lille 1) complétée par une formation d’urbaniste (Institut d’aménagement et d’urbanisme de Lille), Juliette DUSZYNSKI a d’abord travaillé sur le processus de métropolisation de Lille au sein de l’agence d’urbanisme de Lille Métropole, avant de poursuivre son parcours professionnel au Havre en 2002 ce qui lui a permis d’intégrer les dimensions portuaires, maritimes et logistiques à son analyse et d’en faire des sujets d’expertise

Emmanuel PRÉTERRE est spécialisé dans les démarches d’analyse et l’amélioration des processus des entreprises dans les domaines de la supply chain et le développement de la logistique sur ses différentes échelles et dimensions. Il a développé au cours de ses dix huit années d’expérience professionnelle une expertise solide en matière de gestion de projets (35 projets gérés), qu’ils concernent l’organisation des entreprises, les solutions technologiques associées et la logistique sur les échelles territoriales (12 études menées).

Il a travaillé dix années pour le groupe Léon Vincent au sein duquel il a exercé des fonctions de direction opérationnelle et de conception de solutions logistiques globales. En continuité, il a également participé à la refonte des processus de l’entreprise en mettant en place le système de management de la qualité et en participant activement à la mise en oeuvre du nouveau système d’information de l’entreprise intégrant un réseau d’une trentaine d’agences et des échanges de données avec les clients et les prestataires en amont et en aval de différentes chaînes logistiques. Depuis 2004, en tant qu’Ingénieur Conseil, il accompagne plusieurs entreprises sur des projets Supply Chain, sur des projets d’évolution de leur système d’information en assistance à maîtrise d’ouvrage et sur des études logistiques portant sur différentes échelles telles que l’Estuaire de la Seine, le Seine Gateway®, l’Europe du Nord Ouest, l’Espace Atlantique et leur intégration dans les chaînes logistiques mondiales. Il dispose d’une solide expérience à l’international (Amériques, Europe, Asie, Afrique) en lien avec les projets sur lesquels il a travaillé (plus de 40 missions réalisées hors de l’Union Européenne).




Note préliminaire des auteurs

Les corridors de transportDans ce document sur la gouvernance des corridors de transport, nous avons choisi d’élargir la notion de corridor à la notion de « Gateway » qui sera présentée dans la section introductive. Même si les deux concepts ont chacun leur spécificité, ils nous semblent intimement liés et complémentaires. En simplifiant l’approche, un corridor de transport est une liaison de points à points comprise dans le périmètre géographique d’un gateway voire au delà. Le gateway quand à lui est un concept qui va au delà du corridor de transport, puisqu’il comprend la notion de « porte » (exemple : la porte maritime représentée par un port ou un ensemble de ports), des briques de transport mais au delà, des composantes plus larges telles que la logistique (à comprendre dans le sens de la « supply chain » ou chaîne d’approvisionnement globale) et des dimensions territoriales étendues (exemples : l’attractivité, la compétitivité, l’industrie, la recherche, la gestion du foncier, l’acceptabilité) .

Ainsi, il nous a donc semblé plus pertinent d’aborder la question de la gouvernance des corridors de transport sous l’angle des gateways, qui comprenent ces corridors, qui sont reliés à ces corridors, ou bien qui visent à créer des connexions à ces corridors. En effet, un corridor de transport est au service d’un système économique plus large, intégrant les autres piliers du développement durable que sont l’environnement et les aspects sociétaux, et dont les différentes dimensions peuvent être traitées dans le cadre des gateways. En continuité, l’un des enjeux étant donc de pouvoir associer un ou plusieurs corridors de transport à un ou plusieurs gateways pertinents, au travers de systèmes de gouvernance reliés et agiles.


Introduction : de la notion de corridor à celle de Gateway

Le terme Gateway se réfère au vocabulaire informatique. Il caractérise les flux de données entrant et sortant des calculateurs (Gate), et les trajets des opérations, à l’intérieur de la machine, entre ses organes principaux, tels que processeurs, stockages, et périphériques (way).

Biennale des Urbanistes Européens – répresentation des Gateways

De manière conceptuelle, un gateway se caractérise comme un réseau jouant le rôle de porte d’entrée et de sortie vers d’autres réseaux. Il est souvent appliqué aux complexes portuaires comprenant les terminaux, leurs liaisons maritimes (foreland), les zones logistiques, les connexions terrestres avec l’arrièrepays (hinterland) constitué de corridors de fret et de plateformes intérieures. Les ensembles formés par les ports, leurs hinterlands et leurs foreland fonctionnent comme des circuits de flux massifiés, interdépendants et mis en relation par des systèmes d’intelligence partagés. C’est ce que l’on appelle un Gateway. La référence à l’intelligence artificielle s’étend depuis peu au concept de port intelligent (brain port), conçu comme l’opérateur clef de ces systèmes.

Le terme « Gateway » dans le domaine des télécommunications définit une passerelle ou un lien entre deux ou plusieurs réseaux. Souvent, il permet de nommer le principal équipement de transition d’informations qui est l’ordinateur. Cette signification technique va permettre la définition d’une notion de Gateway qui s’inspire de l’idée de passerelle et qui s’appliquera à une infrastructure de transport ou à un territoire.

L’usage de Gateway est différente entre la recherche francophone et celle anglophone. Dans les écrits francophones, la notion de gateway établit une connexion directe entre infrastructures de transport et développement économique. La notion de Gateway a souvent été utilisée en économie territoriale pour définir des infrastructures de transport, caractériser des territoires ou pour traduire l’idée de relais, de porte ou d’espace de polarisation et de dynamisme économique. Jean Varlet en 1997 dans son ouvrage16 va utiliser la fonction de porte (pour les aéroports) pour décrire la vocation de ces infrastructures : « porte régionale et porte d’agglomération ». Plus tard, en 2000, cette même notion de porte sera reprise par l’auteur pour décrire les effets d’une infrastructure aéroportuaire sur un territoire, ce qui renvoie à une autre idée, celle de renforcer « la nodalité et la polarité du site ». L’usage de la notion de Gateway ou de l’idée de porte qui se rapporte à elle, pour parler des infrastructures de transport ; évolue, change mais traduit toujours l’impact de celles-ci sur les territoires notamment du point de vue économique.

Dans la littérature anglophone, la notion de Gateway est employée pour décrire « les infrastructures de transport à forte rupture de charge » avec une grande différence faite entre un Hub et un Gateway. Ces derniers polarisent des flux très importants mais le Gateway qui constitue l’extrémité de la chaîne aura un impact différent de celui du Hub sur le territoire de proximité : « Les voyageurs ou les marchandises diffusent à partir du Gateway dans un milieu différent et avec des modes différents ». [Gillen & Alii, 2007]. Dans les écrits anglophones, les ports sont des Gateways caractéristiques comme le décrit Notteboom en 2008 : « Gateways are nodal points where intercontinental transport flows are being transshipped onto continental areas and vice versa ». Les anglophones distinguent les Gateways des Corridors. Le corridor sera la traduction spatiale des relations de fonctionnalité qui existent entre le Gateway et l’environnement territorial : « While corridor development to distant hinterlands attracts more and more attention, local or immediate hinterlands remain the backbone of ports’ cargo bases » [Notteboom, 2008].

C’est le tissage des réseaux dans l’Hinterland qui va rendre le Gateway efficace et fonctionnel et les liens entre l’Hinterland de proximité et les Hinterlands plus lointains structurent un développement de corridor. L’Hinterland proche permet d’organiser des réseaux et c’est grâce à l’étendue de l’arrière-pays (qui s’élargit avec les Hinterlands éloignés) que l’orientation des activités économiques en fonction des flux traités pour la création de valeur ajoutée sera possible. En France, la notion de Corridor est « un couloir qui met en relation une série de lieux ; les communications s’y concentrent selon des axes ». Cette définition rapportée à la conception anglophone nous permettra de parler « d’effet corridor » d’un port sur l’économie territoriale.

La notion de Gateway s’applique au territoire de manière exclusive avec les Gateway cities ou les Gateway régions qui dans le rapport de 2007 de la Commission Européenne sur l’état des villes européennes, sont de grandes agglomérations de plus de 400 000 habitants au sein desquelles il existe un port. L’approche européenne du Gateway est surtout une approche d’usage pour porter l’attention sur les défis économiques qui se présentent aux villes portuaires du fait des mutations du transport mondial. C’est en ce sens que Thames Gateway est plutôt un projet de renouvellement et de réhabilitation urbain qu’un projet portuaire et maritime même si l’idée de « porte » dans l’approche de l’infrastructure se retrouve lorsqu’on parle de ville ou de métropole.


Retour d’expériences de gateways portuaires et logistiques mondiaux

Qu’il s’agisse de liaisons inter- et/ou intra-continentales, il existe plusieurs exemples internationaux dans le domaine des gateways portuaires :

    • le Pacific Gateway reliant l’Asie, le Canada et les Etats-Unis,
    • le London Gateway développé par DP World dont la vocation est de relier l’Asie et les Îles Britanniques,
    • l’Extended Gateway dont le point nodal principal est le port d’Anvers,
    • le Rotterdam World Gateway qui traite à lui seul plus de 400 millions de tonnes de marchandises.

  • Pacific Gateway au Canada : une approche opérationnelle de corridor Ouest-Est

Ce gateway canadien, consiste en une relation flux tendu ferroviaire de conteneurs entre la côte Ouest (Vancouver) et les grands lacs. Dans une approche pragmatique, les Canadiens ont développé une logique de structuration par les « portes d’entrées portuaires » (en concurrence avec les solutions portuaires des Etats Unis, citons notamment les ports Long Beach / Los Angeles). Comprenant les atouts de leur positionnement géostratégique (proximité avec l’Asie), ils ont développé une porte de corridor Asie-Pacifique (avec Vancouver et Prince Rupert) ainsi qu’une ligne ferroviaire Ouest-Est pouvait être amortie très rapidement. Cette dernière dessert une grande partie de l’Amérique du Nord, à partir de Vancouver (position de premier port touché pour les flux venant d’Asie du Sud Est) et via Chicago (position de hub continental à l’instar de Duisbourg en Europe) et les grands lacs. Elle sert également pour les exportations de leurs produits agricoles, trouvant de la sorte un nouveau débouché. Ce qui, d’une part, rentabilise la ligne de chemin de fer et, d’autre part, assure une réponse à la problématique économique des conteneurs vides.

La logique canadienne a été de créer des noeuds (points sur le territoire nord américain), qui sont les lieux de concentration des investissements publics dans des projets d’infrastructures stratégiques. La logique de corridor est d’attirer des investissements privés (retour sur investissement de 1 à 13). Le gateway canadien est dans une vraie logique de « Global Gateway », compte-tenu de sa logique géographique intra et inter continentale :

. Le Port de Prince Rupert à 2h au nord de Vancouver, a été créé de toutes pièces, il réalise aujourd’hui un trafic de 500 000 Evp et se présente comme le port d’Amérique du Nord 100% sécurisé (garantie de services).

. Chicago (situé à 4000 km des solutions portuaires du Canada) est le point de convergence, de massification des flux, d’éclatement de la marchandise (il a le même rôle que Duisburg en Europe).

Dans l’approche canadienne, le corridor se structure par l’infrastructure; intégration logistique forte d’Est en Ouest (par le réseau ferroviaire). Notons qu’au Canada, il existe un Ministre de la Porte d’entrée qui est en charge de l’aménagement d’un territoire transprovincial. La décision est donc centralisée (appartient au ministère) puis son application locale est gérée par chaque province.

Le Pacific Gateway


  • London Gateway pour l’intégration du port londonien dans le parc logistique européen

London Gateway est Le projet d’aménagement du Port londonien en eaux profondes, situé en aval, près de l’embouchure du fleuve et qui a débuté en Janvier 2009 avec pour objectif de faire de ce port, le premier port britannique pour le trafic de conteneurs et l’un des plus grands parcs logistiques européens. Nous sommes ici dans une véritable approche de Gateway où l’enjeu de l’Hinterland tient une place déterminante. Le port de Londres est au coeur du plus grand bassin de consommation britannique et c’est grâce à un réseau multimodal de qualité que les défis de sa compétitivité seront relevés. Augmenter la productivité tout en réduisant les coûts est l’ultime objectif du projet London Gateway.

Le port londonien peut accueillir des navires de 350 000 tonnes et 14,5 m de tirant d’eau et comparé au port de Rotterdam qui peut accueillir des navires d’un tirant d’eau de 25 mètres, son accessibilité par les très grands navires est réduite. London Gateway va donc beaucoup porter sur l’activité logistique afin de tirer le maximum d’avantages de l’étendue des quais du port et de son important potentiel de rotation. A terme Londres compte devenir un cluster portuaire incontournable qui offre des services diversifiés et de qualité. Grâce à des terminaux spécialisés et dédiés, et à sa position à la porte du plus grand bassin de consommation britannique, il va attirer des opérateurs logistiques. C’est le deuxième port britannique en termes de volumes traités et sa position à la porte du plus grand bassin de consommation britannique lui offre un potentiel de rotation élevé.

Le London Gateway, projet portuaire emblématique de l’Estuaire de la Tamise


  • L’Extended Gateway : valeur ajoutée logistique et fixation des flux de marchandises

L’Extended Gateway est un concept de gestion logistique fondé sur une mise en réseaux de ports ou de « hot spots » logistiques sur un territoire défini, délimité mais qui n’est pas voué à une performance endogène uniquement. Le concept d’Extended Gateway voit le jour dans l’environnement portuaire belge avec cinq plateformes internationales autour des ports d’Anvers, de Gent, de Zeebrugge, d’Oostende et de Bruxelles. C’est Alex Van Breedam, directeur du VIL (Institut Flamand pour la Logistique) qui a développé le concept à travers une image simple : l’Extended Gateway est en quelque sorte le software qui permet de faire tourner le hardware, l’infrastructure multimodale. L’Extended Gateway® renvoie à la notion de « corridor » et s’apparente à un couloir logistique relié à un vaste hinterland dont les voies nourricières sont les ports maritimes et/ou les aéroports et les plateformes de transbordement. L’Extended Gateway a pour vocation d’organiser les activités logistiques en fonction des marchandises et des traitements requis pour ces produits. Il a donc une vocation d’intégration pour une logistique durable bénéfique pour l’emploi, la mobilité et l’aménagement territorial.

Il peut être noté que l’Extended Gateway ® a aussi été un moyen pour améliorer l’image du port d’Anvers il y a quelques années, qui commençait à se détériorer du fait de travaux importants sur les infrastructures routières et une augmentation des flux entrainant d’importants problèmes de congestion.

Territoire de l’Extended Gateway belge

L’Extended Gateway serait donc un prolongement des Gateways vers l’Hinterland pour le développement des activités logistiques dans des Hot spots pertinents pour un coût logistique total minimal. C’est grâce aux plateformes multimodales où les marchandises changent de mode de transport que l’acheminement de celles-ci se fera dans le bon Hot spot. Les opérations logistiques vont se concentrer là où le coût logistique est le moins impactant pour l’entreprise. Elles vont donc privilégier la proximité d’un Gateway surtout lorsqu’elles sont consacrées à des produits de volume important qui nécessitent un transbordement.

La dimension multimodale de l’hinterland sera aussi très déterminante dans le concept d’Extended Gateway®. La diversité des modes de transport dans l’hinterland permet le choix du mode le plus approprié pour le transport des flux gérés. Pour être efficace, l’hinterland doit acheminer des flux de marchandises importants pour faire baisser le coût logistique total et donner de la pertinence au réseau de transport multimodal. Le coût de transport total va se décliner entre le coût du transport et celui du stockage mais il intègre également des variantes intangibles telles que la flexibilité, la fiabilité ou la sécurité. Les produits périssables vont privilégier la proximité de l’hinterland et l’accès rapide à un marché de consommation. L’une des opportunités que permet l’Extended Gateway® est donc une collaboration interentreprises notamment celles dont les marchandises demandent un traitement logistique similaire et qui sont géographiquement proches. En regroupant des Hot spots logistiques qui eux-mêmes fédèrent des activités logistiques spécifiques, l’Extended Gateway® permet des flux de grands volumes de marchandises entre le point d’accès (Gateway) et les points de prolongement (Hot spot).18

Le prolongement du Gateway dans l’hinterland permet la création de valeur ajoutée qui par ailleurs organise l’emploi autour d’activités de transformation de produits transportés dans les conteneurs et qui seront ancrées dans les Hot spots logistiques. L’Extended Gateway® est par ailleurs, une belle opportunité à la logistique durable grâce à la massification des flux de marchandises qui elle-même rend pertinente la multimodalité et notamment l’alliance fer/fleuve. Si la mise en réseau des plateformes portuaires détermine la distribution des flux, c’est le réseau multimodal qui a porté son organisation. Quinze plateformes multimodales se sont en effet développées dans l’Hinterland permettant son irrigation par les flux de marchandises introduits par le biais des Gateways et conduits jusqu’aux Hot spots logistiques où ils seront dispatchés. Nous sommes ici dans un schéma de Hub & Spokes qui va au-delà d’un système de Gateways simple. Les relations entre les Hubs et les Spokes définissent le concept d’Extended Gateway®.


Le concept de Gateway étendu ou la mise en système de territoires

Dans une approche plus complète, le rôle du gateway dépasse largement les composantes portuaires, les infrastructures de transport et les activités logistiques. Audelà de sa fonction de passerelle, il permet de relier le développement logistique et l’ensemble des composantes associées à l’aménagement du territoire. Ces composantes territoriales étendues reposent sur l’intelligence du territoire, sa capacité à innover et à générer une différenciation concurrentielle en s’appuyant sur les grappes (clusters institutionnels / entreprises), les filières économiques, l’enseignement, la formation et la recherche à l’échelle de plusieurs territoires.

Elles reposent de même sur la mise en oeuvre d’un véritable éco-système logistique à valeur ajoutée développant les synergies entre la logistique, l’industrie, la distribution, le commerce et les autres activités tertiaires (ex : services supports, offreurs de solutions technologiques). Il ne s’agit pas seulement de laisser passer les flux, mais de leur apporter une valeur additionnelle, créatrice de richesses et d’emplois. Le lien avec les populations et leurs élus est aussi un facteur clef de réussite en matière d’acceptabilité et d’appropriation des projets qui dépassent les enjeux locaux. Dans ce grand mécano doté de plusieurs dimensions et échelles à intégrer, le gateway joue un rôle de moteur fédérant, animant et stimulant la dynamique économique, sociétale et environnementale au service d’une ambition territoriale.


  • Analyse d’un modèle de développement territorial en Europe : le cas de Thames Gateway

Thames Gateway fédère des territoires entre Londres et la mer, tant pour les dessertes que pour le développement territorial coordonné. Il intègre en outre la construction d’un nouveau port en eaux profondes, en tête d’estuaire. Ce Gateway assure le desserrement urbain de Londres et organise un développement partagé entre l’Etat, les collectivités et les acteurs privés (figure 6). Thames Gateway a permis de réduire les disparités entre l’ouest de Londres, fortement développé (matière grise, tertiaire,.), et l’est de la capitale britannique qui connaissait d’importantes difficultés économiques (zones déshéritées).

L’un des projets emblématiques de Thames Gateway concerne la transformation des Dock Lands, ancien port de Londres ayant servi de base à l’expansion de l’empire commercial de l’Angleterre au XIXième siècle. Autrefois qualifié "d’entrepôt du monde", ce site portuaire a été abandonné du fait de l’évolution des techniques maritimes et de l’éloignement des activités portuaires de la zone urbaine dense. Il a été reconverti en un espace de négoce, de finance et de logements. En 30 ans, le nombre d’emploi est passé de 80 personnes à 90 000. Un niveau de 200 000 emplois est prévu sur ce site en 2020. Ce site réinvesti constitue le démarrage du projet Thames Gateway (figure 6).

Le territoire élargi du Thames Gateway et le corridor de la Tamise

Les espaces réhabilités des Dock Lands

A l’échelle de Londres et de son estuaire, le projet du Thames Gateway comprend notamment le London Gateway (gateway portuaire le reliant au monde), le "cross rail" (une connexion ferroviaire rapide entre l’est et l’ouest de Londres), l’utilisation du Train à Grande Vitesse de l’Eurostar pour accélérer les liaisons locales, la création d’un nouvel aéroport international à l’est de Londres, le développement des énergies renouvelables (champs d’hydroliennes et parc éolien offshore). Au delà des enjeux locaux, le projet Thames Gateway doit permettre de mieux connecter le Royaume-Uni à l’Europe et au reste du monde. Afin de créer cet éco-espace prospère et hautement intégré sur différentes échelles, plusieurs facteurs clefs de succès ont été ciblés par les autorités chargées de son déploiement :

  • Le développement de la connectivité multimodale (rail, fleuve, mer, air) tant pour les passagers que pour les marchandises,
  • la systémisation des infrastructures intelligentes,
  • l’atteinte de masses critiques (flux humains et fret),
  • l’attraction de personnes créatives afin de renforcer l’économie de la connaissance,
  • l’intégration environnementale et paysagère,
  • l’utilisation des énergies naturelles.

Thames Gateway est un projet de développement territorial complet. Il représente aujourd’hui LE grand projet d’aménagement en Europe (en terme d’ambition, de dimension territoriale, de financements.) où s’interpénètrent la projection de grands projets d’infrastructures dans un environnement spatial sous forte contrainte et densité (Figure 7).

Concilier les échelles de temps et les échelles d’espace

Il est à noter plusieurs similitudes fortes entre Thames Gateway et Seine Gateway®:

  • L’échelle du grand territoire,
  • La volonté de Londres de maintenir son rang mondial,
  • Une logique de porte d’entrée portuaire (hub) avec la création d’un nouveau terminal conteneurs (DP WORLD) à l’instar de Port 2000 au Havre,
  • la liaison port/grand bassin de consommation,
  • le rapport de la ville à son fleuve (taritement des berges, etc)
  • un rattrappage infrastructurel fort,
  • la qualité des liaisons fer fret et passagers,
  • les mutations énergétiques (développement de l’énergie éolienne et hydrolienne),
  • des secteurs de redéveloppement priorisés dans le Sud Est de l’angleterre,
  • l’association d’une stratégie nationale et de dynamiques locales (Kent…),
  • des quartiers d’affaires autour de gares nouvelles (Northfleet/Ebbsfleet),
  • un développement vertueux (« sustainable »),
  • une excellence environnementale : des zones préservées dans l’Estuaire (réserves naturelles),
  • la culture de la gestion de risques majeurs (inondations),

Thames Gateway est donc autant un projet de renouvellement urbain qu’un projet portuaire et infrastructurel car l’idée de « porte » se retrouve. Il est la condition pour que Londres conserve son statut de ville Monde et que la Grande-Bretagne reste une grande puissance.


  • Analyse de la démarche en cours du Seine Gateway®

A l’instar de Thames Gateway, qui crée un nouveau modèle de développement de la ville-monde vers sa façade maritime et son Estuaire, Seine Gateway® doit proposer un nouveau modèle de développement pour Paris vers son fleuve et sa façade maritime normande. Ces Gateways sont différents. Mais dans tous les cas, ce sont d’abord des outils au service de politiques. Leur principale particularité tient à ce qu’ils dépassent la question des sites pour aborder la connectivité et les flux. De surcroit, ils génèrent des valeurs ajoutées sur les déplacements, dans des systèmes ouverts, territorialement bien sûr, mais également aux différents acteurs publics et privés. En somme, le Gateway est au territoire ce que l’Internet est au partage de l’information. C’est un système ouvert, partagé, d’accès simple, où chaque acteur peut apporter ou trouver ce dont il a besoin. C’est un système qui repose sur la notion de fluidité, que les flux soient ceux de l’information, de la mobilité des personnes, et surtout du déplacement massifié des marchandises.

Le Gateway se caractérise par :

  • un haut niveau de services,
  • une fiabilité partagée,
  • des coûts de services maîtrisés et une solidarité des membres du système.

Il est à la fois :

  • infrastructures connectées,
  • opérateurs sur ces réseaux,
  • territoire d’accueil d’activités et de renouvellement de celles qui sont en place,
  • intelligence de territoire concrétisée par des guichets ou portails,
  • des services,
  • une recherche et un enseignement supérieur thématisés, et,
  • une marque qui se doit d’être mondiale et saisie comme un ensemble.

Paris doit garder son rang parmi les villes-monde en se dotant d’une ouverture maritime. Ce simple constat a de multiples conséquences :

  • il traduit la nécessité pour la France de valoriser sa façade maritime ;
  • il confère à la Vallée de la Seine la responsabilité d’axe stratégique de redéveloppement pour la capitale et le pays ;
  • il fait obligation aux ports du Havre, de Rouen et de Paris, de mettre en oeuvre une stratégie commune et à la Ville du Havre de s’imposer comme une métropole maritime à part entière.

Elle traduit le choix de l’innovation et s’appuie sur quelques fortes évidences :

  • la vitesse ferroviaire comme facteur de proximité entre la ville monde et la mer ;
  • le maritime comme levier central des économies du XXIe siècle, toutes productions et échanges confondus ;
  • la mise en valeur des atouts géographiques et géopolitiques de notre pays.

Le projet de réaliser une ligne ferrée à grande vitesse entre Paris et Le Havre, ligne assurant aussi la desserte des agglomérations de Rouen et de Caen, s’inscrit comme un acte fondateur de cette stratégie, qui reprend à son compte un certain nombre d’idées et de propositions présentes par l’urbaniste Antoine GRUMBACH à l’occasion de la consultation du « Grand Pari(s) ». Il s’agit d’un grand projet d’aménagement du territoire français.

Dans cette perspective, la stratégie d’aménagement métropolitain du territoire doit démontrer, par la mise en dynamique des facteurs positifs, qu’elle est en phase avec un ensemble d’enjeux, en particulier ceux du développement durable et de la performance. Il lui appartient ainsi de se différencier des approches fonctionnelles et thématiques de l’économie hors sol, aujourd’hui en impasse. Cette stratégie reposera sur l’emboîtement de systèmes vertueux, productifs, durables, attractifs, innovants et complémentaires, qui devront assurer :

  • le rang de Paris ville-monde dans son environnement concurrentiel ;
  • l’articulation sur les grands flux d’échanges mondialisés de toutes natures ;
  • le renouveau des activités industrielles de notre pays ;
  • l’offre aux PME et PMI innovantes ;
  • un territoire résidentiel de haute qualité à l’échelle de notre continent ;
  • une image attractive puissante, durable et étonnante ;
  • la volonté et la capacité de la place de Paris à décentraliser sur ces territoires intenses, des fonctions de commandement, portuaires, industrielles, logistiques, de services aux entreprises, universitaires, de recherche, pour pouvoir, en retour, mieux se placer sur les segments concurrentiels de l’excellence mondiale.

L’essor de Paris et de la région Ile-de-France a atteint ses limites dans les périmètres qui sont actuellement les leurs. La Vallée de la Seine et le littoral vont leur permettre de bénéficier de la qualité d’un territoire situé dans leur prolongement naturel et surtout de l’ouverture portuaire qu’offre Le Havre. Dans une réciprocité asymétrique, (en effet, la puissance de la place de l’agglomération capitale n’est pas comparable à celle des deux régions normandes), Paris doit convenir avec la vallée de la Seine et la place portuaire, de la répartition des conditions durables de ce développement partagé. Il s’agit, en l’occurrence, d’envisager un espace à haut niveau de services, à haute qualité environnementale, où la conjonction d’une « distance raisonnable » (200 Km), de la fertilité économique et industrielle, des ouvertures maritimes et continentales, de la présence d’une agriculture puissante et diversifiée, d’une histoire et d’un patrimoine remarquables, pourront engendrer un territoire complexe et complet, de visibilité mondiale. Pour ces raisons, l’approche en termes de système et d’interrelations, en concurrence avec d’autres systèmes européens ou mondiaux est préférable à une approche fonctionnelle, articulant un ensemble de diagnostics et de remèdes.

Le renouvellement de l’industrie et celui des ports doit être conçu dorénavant comme un ensemble où commandement, services, recherche, développement et production des filières seront regroupés et intégrés au sein de l’espace géographique de la Vallée de la Seine au sens large, pour composer un territoire innovant du XXIe siècle. L’économie, dans toutes ses composantes, financières, industrielles, d’échanges ou de services, est désormais déterminée, non plus par les performances propres des acteurs séparés, mais par les chaînes d’acteurs de la production et de l’organisation des échanges, évoluant dans l’espace de la globalisation mondiale. Les marchés sont ainsi conditionnés par l’intensité des flux au sein de réseaux de toutes natures, matériels et immatériels, dont les caractéristiques premières sont la fluidité, la sécurité, le « juste à temps ». Ce sont ces flux qui génèrent des performances et des valeurs ajoutées. L’accès aux circuits logistiques mondiaux performants joue donc un rôle fondamental sur les coûts de production :

  • dans les approvisionnements industriels,
  • dans les processus d’assemblage entre sites parfois répartis sur le globe,
  • dans les coûts d’exportation.

L’avenir des activités industrielles et, plus généralement, celui de notre appareil de production, est lié à l’efficacité et aux coûts des transports ainsi qu’aux valeurs ajoutées de la logistique moderne. Plutôt que de considérer les places et de les comparer, voire de les concurrencer, l’enjeu est bien de les articuler dans différents réseaux et de considérer leur connectivité comme une véritable source de performance et d’avenir, productrice de valeurs ajoutées.

Dans ce contexte, les métiers portuaires, industriels, logistiques, de services se doivent d’être de haut niveau et producteurs de valeurs ajoutées. Les ports européens et les réseaux ferroviaires et fluviaux se constituent eux-aussi en réseaux cohérents et partagés. Les ports puissants du Range forgent leur efficacité concurrentielle sur leur connaissance du monde maritime (le foreland), sur leur puissance portuaire et industrialo portuaire (port authority), sur un marketing territorial de pointe (l’hinterland), et aujourd’hui sur leur conjonction avec les autres opérateurs logistiques continentaux (les Gateways). Les plus performants d’entre eux intègrent maintenant l’intelligence portuaire (brain ports) à leurs stratégies. La production industrielle va être de plus en plus déterminée par les systèmes logistiques mondiaux, avec des points de concentration, d’assemblage, d’éclatements, de distribution dans des plateformes portuaires et des ports secs, noeuds de réseaux qui vont constituer des lieux de production de la valeur ajoutée.


Cartographie des établissements industriels de la Vallée de la Seine


  • Seine Gateway® : enjeux de sa structuration et de sa gouvernance

En s’appuyant sur les exemples étrangers de territoires forts de leurs appareils portuaires, il est proposé d’adapter le système du Gateway, largement utilisé dans les pays anglo-saxons, au contexte singulier de la Vallée de la Seine.

L’ensemble formé par Paris ville-monde, la vallée de la Seine, les territoires la bordant et le débouché maritime offert par Le Havre et Rouen ; le littoral normand (le tout placé à l’Ouest de l’Europe) dispose des éléments constitutifs d’un Gateway. Celui-ci reposera sur une unité de territoire, conférée par la LNPN (200km, une heure), qui en sera même l’acte fondateur. Il combinera des espaces de production (de qualités urbaines & agricoles), des espaces naturels, culturels et de patrimoine, des établissement d’enseignement et de recherche ; dans un climat d’attractivité dont le tourisme n’est pas la moindre.

Les atouts indispensables qui sont à disposition et qui caractérisent l’espace de la Vallée de Seine sont :

  • un hub portuaire : Le Havre (port le plus à l’ouest, 1er touché, avant détroit du Pas de Calais) ;
  • une ville monde : Paris (avantage concurrentiel) ;
  • la conjonction d’une armature portuaire avec un appareil productif (la vallée de Seine industrielle) ;
  • une connexion forte entre le premier hub portuaire français (Rouen – Le Havre) et le premier hub aéroportuaire français (Roissy CDC)
  • une position de pivot dans le changement d’orientation des flux (saturation des liaisons nord-sud) ;
  • la constitution d’une position géostratégique : la dorsale Le Havre-Rouen- Paris + un littoral maillé avec l’ensemble des ports côtiers de Cherbourg à Dieppe ;
  • la capacité à prendre la marchandise et à l’envoyer par fleuve, fer, route, fluviomaritime ;
  • les déplacements touristiques - les sites sont extrêmement nombreux et de dimension mondiale - mais aussi les flux aériens, ferroviaires, maintenant fluviaux et maritimes avec le développement des croisières ;
  • la valorisation des sites industriels qu’il va falloir reconvertir par l’effet des accès monde entier que procure le Gateway ;
  • la valorisation des productions agricoles, en les transformant (les agroindustries), en massifiant leurs exportations tant par les voies d’eau que les voies maritimes ;
  • la collection considérable d’attractivités résidentielles que présentent la Vallée de la Seine, ses bordures et le littoral, le climat et les modes de vie qu’on y trouve ;
  • la capacité de traiter l’ensemble des chaines des déchets, de leurs transformations, à la fois à l’échelle du bassin, à celle des flux de transport, mais aussi des outillages industriels adéquats.

Tous ces facteurs qui sont les forces en présence doivent s’activer pour créer le modèle de développement d’un Gateway de la Seine qui reposera sur l’emboîtement de systèmes vertueux, productifs, durables, attractifs, innovants et complémentaires.

Comme pour le Gateway d’Anvers, il y a une nécessaire reconquête de nos atouts maritimes pour une meilleure maîtrise des importations et des exportations. Il en est de même pour les voies d’eau, spécialement priorisées par la réalisation engagée du canal Seine Nord Europe.

Comme pour le Gateway Canadien, à l’égard du continent américain, le Seine Gateway® est le premier port touché de la rangée portuaire ouest-européenne. Les outillages et services de fret ferroviaires et fluviaux doivent encore être optimisés. De plus, les productions agricoles peuvent être mobilisées pour conjuguer les exportations avec le retour de conteneurs vides.

Comme pour le Gateway de la Tamise, nous avons là une ville-monde, mais qui doit envisager des rééquilibrages, en particulier sur le tertiaire et les front-offices, l’enseignement supérieur et la recherche, la meilleure répartition des emplois et des habitats, qui sont du reste les questions cruciales du pays, particulièrement en région parisienne.

Représentation du Seine Gateway®

Compte tenu de la complexité des dimensions qui constituent le Seine Gateway®, une approche systémique a été adoptée pour en préfigurer la structure. En effet, le concept de système s’applique parfaitement au Gateway de la Seine en tant qu’ « ensemble cohérent d’éléments en interaction dynamique organisés en fonction d’un ou plusieurs buts » 19. La figure suivante ne traduit pas l’ensemble des aspects du Seine Gateway® (ex : acteurs, espace, temps) mais plusieurs de ses composantes majeures et des thématiques associées.

Les composantes et thématiques du Seine Gateway® sont généralement traitées de façon indépendante les unes des autres (exemple : la logistique, l’industrie, l’énergie, l’agriculture, le tourisme sont le plus souvent abordés séparément). L’une des forces de l’approche Seine Gateway® réside dans l’articulation de ses différentes briques reliées entre elles. Cette approche transversale permet de produire des avantages qui ne seraient pas obtenus en traitant chacune de ces thématiques isolément. Chaque élément du gateway constitue une opportunité, voire une condition de création de valeur pour les autres maillons avec lesquels il est relié. Parmi ces dimensions représentées dans la figure 10, la vision constitue non seulement un élément fondateur du Gateway de la Seine, mais aussi une référence à actualiser régulièrement au regard de l’évolution du contexte et de l’environnement.

Au travers des objectifs déclinés autour de celle-ci, elle doit aider à concilier un plan à long terme avec des actions à court terme. Les orientations stratégiques liées à la vision doivent également être alimentées et confrontées périodiquement avec les données de l’environnement qu’il est nécessaire d’appréhender au plus près notamment en matière de concurrence20 (exemple : ports et territoires compétiteurs), d’alliances (exemple : synergie avec des territoires complémentaires), de contexte politique et économique, et enfin de réglementations.

Approche système du Seine Gateway®

Afin de traduire ces orientations stratégiques en actions concrètes et en réalité, la création d’un organe d’animation et de valorisation (intitulé « gestion opérationnelle » dans la figure 10) faisant le lien entre les acteurs et les différents projets déclinés paraît être incontournable. La mission de cet organe ne serait pas de faire à la place des acteurs, mais de les aider à faire ensemble sans perdre le fil conducteur des orientations stratégiques et du calendrier d’actions associées. A l’instar des autres Gateways européens disposant d’une structure d’appui (ex : Institut Logistique Flamand - VIL - pour l’Extended Gateway et le Conseil de la Distribution International de Hollande - NDL/HIDC - aux Pays-Bas21), la structuration d’un organe de gestion opérationnel permettra de fédérer, d’animer et de soutenir la dynamique liée au Seine Gateway®.

La question de la gouvernance, quoi que majeure, devra s’appuyer sur les besoins requis par les deux types de composantes du Seine Gateway® et les orientations stratégiques définies à court, moyen et long termes par les acteurs impliqués dans le développement de cet espace.

Cet organisme d’animation et de promotion, pourra s’appuyer sur un véritable Programme Seine Gateway®, pluriannuel et permettant de stimuler la dynamique liée à la Vallée de la Seine avec trois objectifs principaux :

  • atteindre rapidement le grand bassin de consommation parisien à partir du carrefour
    des échanges de marchandises qui est la mer ;
  • développer les plateformes multimodales en redonnant sa place au ferroviaire et au fluvial dans le paysage portuaire pour rétablir la connexion avec l’hinterland ;
  • permettre le développement des ports de la Seine qui vont acquérir grâce à la disponibilité d’un hinterland national, et de plus en plus international, une masse déterminante pour leur compétitivité à l’échelle internationale.

Seine Gateway® correspond au plan stratégique qui doit traduire la vision du développement économique de la vallée de Seine :

  • L’organisation économique, industrielle, logistique, portuaire de la Vallée de Seine.
  • L’organisation des déplacements de marchandises (tous modes confondus).
  • La construction d’une armature métropolitaine « Vallée de Seine » composée des ingrédients : grands équipements, R&D, enseignement supérieur, tertiaire, gares....

L’approche « Gateway » permet de traiter les liens (physiques : infrastructures, outillages), les relations (acteurs) et les échanges (flux, circuits). Il s’agit d’une approche en réseau, dépassant les concurrences territoriales. Il faut penser l’articulation des systèmes de production et de distribution performants - en place et capables de croissance. La construction de Seine Gateway® se fera à partir d’une activation du « déjà là », des synergies entre acteurs des transports et du monde économique, et des potentialités de développement et de reconversion le long de la Seine.


Conclusion : La question de la gouvernance

Au travers des différents exemples de gateways, des composantes de préfiguration et des éléments clefs de mise en oeuvre abordés dans ce document, nous constatons qu’un « gateway » est avant tout un processus dynamique reposant sur une communauté d’acteurs, et qu’il ne peut y avoir de réponse définitive à la question de leur gouvernance. En effet, la réalité des gateways est très diverse. Cette diversité de situations a un impact direct sur la gouvernance de ces derniers. Parmi les éléments observés, plusieurs points saillants apparaissent :

  • Sur les échelles géographiques, les gateways peuvent porter sur une échelle géographique très ciblée (exemple : dans la république d’Irlande, neuf gateways sont recensés à ce jour) voire très large (exemple : le Pacific Gateway qui relie le continent asiatique, la Chine en particulier, avec l’Amérique du Nord via des liens maritimes et ferroviaires pour la partie terrestre).
  • Sur le plan des thématiques, les gateways intégrant des corridors de transport, peuvent porter quasi exclusivement sur les dimensions logistiques (cas de l’Extended Gateway® dans les Flandres) voire, au delà, sur des dimensions étendues (cas du Thames Gateway et du Seine Gateway® qui traite notamment des questions liées à l’industrie, la recherche, les synergies entre filières).
  • Sur le plan de l’historique et de la maturité, il est un point commun à l’ensemble des projets : la mise en place d’un corridor de transport ou d’un gateway demande du temps, mais elle doit répondre également à des besoins de court terme afin de trouver l’ancrage et les soutiens nécessaires dans le présent. Les corridors et gateway doivent concilier cette double réalité pointée dans le Thames Gateway : « Long term plans in a short term society » (des plans à long terme dans une société du court terme). Au-delà de ceci, les situations restent cependant très différentes d’un corridor à un autre, d’un gateway à un autre. Entre un gateway situé au stade de l’idée (exemple : le Northern France Gateway), un gateway en phase de structuration (exemple : le Seine Gateway®), un gateway en phase de développement (exemple : le gateway de Duisburg s’appuyant sur des corridors de fret européens utilisant la voie ferrée ou le fleuve) et un gateway arrivé à maturité (pour autant que ce stade soit atteignable), les corridors et gateway ont leur propre cycle de développement et leur propre phasage, qui influence lui aussi le mode de gouvernance.
  • Enfin, sur les modalités de gouvernance, en lien avec les trois points évoqués précédemment, et avec les acteurs et les volontés politiques qu’elles sous-tendent, elles prennent également des formes extrêmement variées, et surtout, elles ne sont pas nécessairement figées.

Thames Gateway est un ambitieux projet de développement territorial en Londres et l’Estuaire de la Tamise. Il trouve ses origines il y a plus de trente ans, avec la volonté du Maire de Londres d’un rééquilibrage Est-Ouest de sa ville (ex : réaménagement des Docks de Londres, opération Canary Wharf,.). Ce projet s’est ensuite développé et construit avec une très forte implication du gouvernement britannique (ex : mise en place d’un ministère du Gateway). En 1994, Thames Gateway est établi comme une politique nationale prioritaire avec la publication de « Thames Gateway Regional Planning Guidance » par le ministère de l’Environnement. En 2003, le lancement du plan « Collectivités Durables » a mis davantage le focus sur Thames Gateway comme l’un des principaux secteurs de croissance dans le sud-est de l’Angleterre (3 régions concernées : Kent, Essex et Londres).

Pour les opérations locales, Thames Gateway a été confié à des « Local Partnership » qui doivent gérer la mise en oeuvre du gateway à l’échelle de leur territoire. Mais compte tenu de l’indépendance de ces instances et de leur rôle qui semble aujourd’hui amenuisé (communication, promotion du territoire.) on peut se demander quel est le fonctionnement réel de cette coordination supraterritoriale. Il est à retenir que le projet Thames Gateway n’a pas été remis en cause malgré les alternances politiques.

Dans le cas du Pacific Gateway, partant d’une volonté gouvernementale forte (notamment par la création d’un Ministre du Gateway au Canada), il y a transmission au niveau des territoires, en vue d’engendrer une appropriation locale. L’Etat canadien reste fortement impliqué sur un niveau global afin de conserver les lignes directrices stratégiques et de coordonner les investissements au niveau de chaque Province.

La question de la gouvernance des gateways doit donc prendre en compte plusieurs dimensions, parmi lesquelles :

  • celle de l’échelle géographique (un coeur de périmètre, des dimensions locales, un lien avec d’autres territoires situés en périphérie ou au-delà) ;
  • celle des thématiques (exclusivement centrées sur les questions de transport, intégrant la logistique plus largement et des composantes étendues : logements, bureaux,….) ;
  • celle de l’historique et du positionnement en terme de maturité (exemples : phase d’émergence, préfiguration, structuration, développement) ;
  • et enfin, celle des acteurs de la gouvernance (instances publiques, lien avec le secteur privé), leurs orientations stratégiques et la vision à long terme. Car l’un des enjeux majeurs de la gouvernance est de pouvoir la définir de manière concertée, de pouvoir la mettre en oeuvre, la financer et la renouveler sur une échelle de temps longue, à une époque où les politiques sont souvent soumis à des impératifs d’immédiateté.

Plutôt que de parler de gouvernance des gateways, il nous semble plus approprié de parler de systèmes de gouvernance et d’en approfondir les modalités de fonctionnement possible.

En effet, dans un monde global où les ressources financières sont de plus en plus comptées, le fonctionnement en réseau et en synergies semble être un facteur décisif pour l’avenir. Le premier défi posé par ce mode de fonctionnement est sans doute d’ordre culturel : l’acceptation du passage de gouvernances isolées à un système agile de gouvernances reliées entre elles (par agile, nous entendons non figé, présentant une capacité à s’adapter au contexte et à évoluer dans le temps tout en s’appuyant sur une vision stratégique stable et pertinente) prenant en compte la collaboration entre des acteurs pouvant dans le même temps être partenaires et concurrents.

Le cas de la récente création d’HAROPA, G.I.E. des trois « Ports de l’Axe Seine » (ports du Havre, de Rouen et de Paris) en est une illustration. La proposition de création d’une conférence entre acteurs de toutes sensibilités politiques autour du développement de la Vallée de la Seine en lien avec le Commissariat Général chargé de ces questions auprès du gouvernement de la France en est une également.


16 Les grands aéroports internationaux français (Roissy, Orly, Satolas, Nice) : enjeux et retombées territoriales.
17 Source : London Gateway
18 Alex Van Breedam, Managing Director
19 Définition du système inspirée de l’essai scientifique de Joël de Rosnay intitulé ‘Le Macroscope : Vers une vision globale’ (Edition du Seuil – Paris – 1975).
20 Selon le concept d’environnement concurrentiel et d’avantage compétitif développé par l’économiste Porter.
21 Voir à ce sujet : Pelletier, J.F., Alix, Y., 2008, Etude d’opportunité pour la mise en place d’une plateforme contact logistique. Rapport préparé pour Logistique Seine Normandie. Le Havre, Décembre 2008.


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SOMMAIRE

Préface
Par Antoine Rufenacht

Chapitre éditorial
Par Yann Alix

Chapitre introductif
Corridors de transport et évolution globale des échanges
Par Gustaaf de Monie

PARTIE 1 - Approches méthodologiques

Chapitre 1
Définition et périmètre des grands corridors de transport fluvio-maritime
Par Claude Comtois

Chapitre 2
Les indicateurs de performance logistique pour les corridors de transport
Par Jean-François Pelletier

Capsule professionnelle 1
Les observatoires des transports en Afrique Sub-saharienne
Par Olivier Hartmann

Chapitre 3
Gouvernance des corridors de transport et des gateways
Par Juliette Duszynski et Emmanuel Préterre

Capsule professionnelle 2
Corridors maritimes et terrestres : quelles stratégies pour un opérateur de lignes régulières ?
Par Luc Portier et Alexandre Gallo

PARTIE 2 – Approches techniques

Chapitre 4
Corridors de transport et construction du statut juridique de l’entrepreneur de transport multimodal
Par Valérie Bailly-Hascoët et Cécile Legros

Capsule professionnelle 3
Gestion des frontières, enjeux douaniers et corridors de transport : retours d’expériences douanières
Par Lionel Pascal

Capsule professionnelle 4
Frets aériens et corridors humanitaires : retours d’expérience suite au tremblement de terre à Haïti
Par Alain Grall

Chapitre 5
Approches technologiques et gestion des flux immatériels sur les corridors de transport : exemples brésiliens
Par Michel Donner

Capsule professionnelle 5
Dématérialisation des flux d’information sur un corridor multimodal de transport : retour d’expériences de l’Axe Seine
Par Alain Savina et Laurie Francopoulo


PARTIE 3 – Approches stratégiques et prospectives

Chapitre 6
L’évolution des organisations productives et logistiques. Impacts sur les corridors de transport
Par Jérôme Verny et Yann Alix

Capsule professionnelle 6
Toward efficient and sustainable transport chains: the case of the port of Rotterdam
Par Peter de Langen

Chapitre 7
Corridors of the Sea : An investigation into liner shipping connectivity
Par Jan Hoffmann

Capsule professionnelle 7
Evolution des corridors de transport maritime de pétrole brut
Par Frédéric Hardy

Chapitre 8
Strategies and future development of transport corridors
Par Théo Notteboom

Capsule professionnelle 8
Maritime Highway Corridors into the Caribbean Seas: Perspective on the impact of the opening of the expanded Panama canal in 2014
Par Fritz Pinnock and Ibrahim Ajagunna

Chapitre de conclusion
Les corridors de transport : objets en faveur d’une mobilité durable ?
Par Jérôme Verny

Postface
Par Marc Juhel