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Transport : Nouveaux outils, nouveaux modèles

INTERVIEW

‘‘L’efficacité du transport est désormais considérée comme un facteur de conquête commerciale ’’ J.BOUR, DDS LOGISTICS


Jérôme BOUR, PDG de DDS LOGISTICSInterview de Jérôme BOUR, PDG de DDS LOGISTICS
Réalisée le 24/04/2019 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier thématique « Transport : Nouveaux outils, nouveaux modèles »


En quoi le transport est-il désormais un élément différenciant dans l’offre des entreprises ?

La prise de conscience des acteurs du B2B vis-à-vis des enjeux du transport est liée à l’évolution de l’offre des e-commerçants. Amazon a démontré que le service apporté par la livraison constitue un vecteur d’accélération du chiffre d'affaires. Nombre d'acteurs du B2B ont intégré le fait que cette approche pouvait également s’appliquer aux livraisons de leurs clients professionnels.

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Ensuite, les entreprises ont également assimilé l’importance grandissante de la part de la logistique dans leur structure de coûts. Maîtriser ses coûts de transport a en effet un impact direct sur sa rentabilité et sa performance.

L’efficacité de l’outil logistique et du transport sont dès lors désormais considérés comme des facteurs de conquête commerciale.

Dans le même temps, la menace du manque de capacité transport pèse sur les sociétés. Le risque est de perdre du chiffre d’affaires faute de pouvoir livrer ses clients.

Un certain nombre de groupes américains ont ainsi annoncé des "profits warning" dans les derniers mois parce qu'ils n'arrivaient plus à distribuer leurs produits.

Nous avions d’ailleurs eu les premières prémices de cette situation avec ce qu'a connu le secteur maritime au moment de la faillite de Hanjin Shipping.

Bref, ces aspects de gains et de risque sont désormais considérés au plus haut niveau hiérarchique dans les entreprises. Les directions générales se retrouvent dans la compréhension de l'importance de maîtriser l’ensemble de la supply chain.




Quelles sont les causes de la pénurie actuelle de l'offre de transport routier ?

Si notre situation n’est pas aussi compliquée que celle des États-Unis, il est clair que le problème s'est accéléré en Europe de l’Ouest ces dernières années. Les causes sont multiples :

  • La crise de 2008 a contribué à détruire un certain nombre de capacités.
  • Le manque d’attrait de la profession de chauffeur. Celui-ci est aggravé par la communication autour du camion autonome. Les candidats au métier de routier peuvent ainsi éprouver des réticences à s’engager dans une voie qui pourrait simplement disparaitre. Or il semble que la voiture et par voie de conséquence le camion autonomes sont des perspectives qui s'éloignent quelque peu. Il existe en effet une complexité qui va au-delà de la technique. Les aspects éthiques en particulier sont loin d'avoir été résolus.
  • Le volet économique. La pénurie a été masquée pendant un certain temps par l'utilisation de chauffeurs d’Europe de l'Est. À partir du moment où l’amélioration des conditions économiques de leurs pays leur a permis de retourner travailler chez eux, ils ont logiquement arrêté de circuler en Europe de l’Ouest.
  • Le problème de la pyramide des âges. La génération baby-boom qui comptait un grand nombre de chauffeurs est déjà partie ou va partir à la retraite. Il est d’ailleurs assez dommageable de ne pas être parvenu à anticiper ce phénomène.

Quels sont les autres facteurs qui risquent de pousser les coûts transport à la hausse dans les prochaines années ?

L’augmentation tendancielle des coûts a été en partie masquée par la détente sur le prix du pétrole.

Le cours du pétrole est un élément important de la politique internationale qui a ces derniers mois eu un effet général à la baisse. Néanmoins, la réalité est connue de tous : le pétrole est une ressource finie dont le coût ne peut tendanciellement qu’augmenter.

Ensuite, la prise en compte de l’aspect environnemental devrait également avoir des répercussions à la hausse sur les coûts du transport. Nous considérons que la réduction de l'empreinte environnementale du transport viendra de la réglementation. Les acteurs économiques ayant adopté une démarche volontaire restent en effet l'exception.

La réglementation environnementale devrait être de plus en plus contraignante et aboutir à l'augmentation à la fois des coûts des moyens de transport et de l’énergie.


Quels sont les nouveaux outils / modèles sur lesquels s’appuyer ?

Deux principaux leviers me viennent à l'esprit. Le premier concerne la digitalisation qui comprend en fait plusieurs couches successives. Le deuxième a trait à l’exploitation des données.

Le niveau de digitalisation des process transport reste faible, mais devrait néanmoins s’accélérer. La palette d’outils digitaux mis à disposition du marché s’est fortement élargie ces dernières années. Toutes les tailles et typologies d’acteurs sont concernées : chargeurs, transporteurs ou intermédiaires (transitaires, affréteurs).

C’est par exemple ce qui se passe aujourd’hui sur le marché du TMS avec une capacité à aller adresser un nombre d’acteurs beaucoup plus importante.

Chaque entreprise est dorénavant à même de digitaliser ses propres opérations et d'offrir des interactions à son écosystème. Cette digitalisation va permettre d’accélérer la deuxième étape qui est celle de la collaboration. Celle-ci induit un enjeu autour du partage de process et de la data. Ces éléments de collaboration vont être accélérés par la digitalisation des acteurs.

La mutualisation représente le niveau supplémentaire qui ne peut réellement être appliqué si les deux étapes précédentes n’ont pas été remplies. Je suis d’ailleurs toujours surpris que certains veuillent attaquer bille en tête des projets de mutualisation sans avoir auparavant satisfait les étapes de digitalisation et de collaboration.

Si la mutualisation entre transporteurs est déjà bien avancée en particulier grâce à l’utilisation des bourses de fret dédiées, la démarche reste très récente pour les chargeurs.

Nous avons de notre côté travaillé sur des opérations pilotes à ce stade. En particulier sur la mutualisation des livraisons du centre-ville de Paris pour plusieurs distributeurs qui ont anticipé la complexification des livraisons en heures ouvrées.

Nous avons également été sollicités par des PME situées dans des zones excentrées qui souhaitaient mutualiser leurs flux pour faciliter la recherche de capacité sur le marché. Il s’agissait d’arriver à constituer une tournée qui puisse motiver économiquement les transporteurs.

Une fois les opérations digitalisées, il devient possible de pleinement profiter de l'exploitation de la data. L'intérêt de ces démarches, on le voit couramment à travers la mise en œuvre de nos TMS, est de prendre du recul. Nos clients vont disposer d’une capacité d'analyse permettant de déceler des éléments d'amélioration qu'il n’est pas possible de détecter lorsque les équipes ont « le nez dans le guidon ».

Des outils de Business Intelligence (BI), voire d'intelligence artificielle (IA) permettent d’exploiter au mieux cette data et de proposer de nouvelles solutions. Le cas typique est celui d’une configuration multisite dans laquelle le chargeur se rend compte qu’il a tous les trois jours des liaisons de A vers B, puis de B vers C et enfin de C vers A. Il est alors plus pertinent d’affréter de manière régulière une boucle. Le coût est moindre et la visibilité donnée au transporteur est meilleure. En termes administratifs, le temps passé pour organiser trois affrètements spot est également économisé.

Une telle opportunité est difficile à déceler sans mise en place d’un TMS autorisant une vision multisites.


Quels sont les bénéfices de la collaboration transport ?

Les outils de collaboration permettent de partager les informations entre l’expéditeur, le transporteur et le client et d'en accélérer le traitement.

La dématérialisation et le partage de documents sont un point majeur. Le transport est un métier qui manipule toujours beaucoup de papier. Celui-ci est source d'improductivité et de risques d'erreurs. Beaucoup d'éléments documentaires (litige, facturation, prévisions, etc.) peuvent aujourd'hui être dématérialisés et partagés entre les acteurs.


L’augmentation du panel de transporteurs représente-t-elle la meilleure solution pour contrer le manque de capacités ?

Certains de nos clients recherchent en effet de nouvelles capacités par eux-mêmes ou en passant par des plateformes d'intermédiation. Ces dernières jouent finalement le rôle d'affréteur. Le risque porte sur la qualité d’une prestation réalisée par des entreprises avec lesquelles on n’a encore jamais collaboré.

D'autres sont au contraire sur une démarche de réduction du nombre de leurs transporteurs, avec l’objectif de représenter un poids plus important chez ceux-ci, de disposer de plus de temps pour les suivre individuellement et de mieux piloter avec eux la qualité de service.

De notre côté, nous avons tendance à encourager nos clients à développer de la relation long terme avec leurs transporteurs. Ceux-ci ont en effet besoin de pouvoir anticiper pour optimiser l’utilisation de leurs camions. Plus ils disposent de récurrence et de visibilité, plus ils sont en mesure de tirer le meilleur parti de leurs moyens.


La fidélisation de ses transporteurs passe-t-elle nécessairement par la contractualisation ?

Qu’il y ait contractualisation ou pas, nous pensons qu’une étape de définition claire des règles du jeu est indispensable. Il s’agit de bien s'accorder sur ce qui est attendu et sur la définition des indicateurs de pilotage.

Si les transporteurs sont généralement réticents lors de la mise en place d'indicateurs de performance, ils voient ensuite très rapidement leur intérêt à jouer le jeu. La majorité des transporteurs fait en effet bien son travail. Être jugé sur de vrais indicateurs permet à la fois d'améliorer sa performance, au-delà du seul client concerné et de baser les discussions sur des éléments concrets plutôt que sur des ressentis. Par exemple quelques problèmes sur les dernières semaines pourront être relativisés si aucun retard ou avarie n’a été enregistré les mois précédents.

Nous militons donc pour la mise en place d’éléments objectifs chiffrés et connus à l'avance de mesure de la performance.


Les chargeurs ne semblent toutefois pas réellement prêts à s'engager sur des volumes…

Effectivement les démarches d'engagement sur un certain niveau de volume restent encore assez rares, en particulier pour le transport aval qui est soumis à des fluctuations importantes et difficiles à anticiper.

Nous le voyons à travers le prisme du TMS, les démarches de sécurisation de capacité et de prix en contrepartie d'engagements sont mises en œuvre par moins de 1/3 de nos clients.

Je pense également qu'il existe dans les services transport une culture opérationnelle, quasiment une fierté à relever au quotidien le défi de trouver les capacités.


DDS Logistics propose désormais une plateforme collaborative…

Les éléments de service aux clients et de visibilité sont aujourd’hui passés devant les attentes en termes de réduction des coûts. Nous répondons à ces aspects depuis longtemps à travers nos TMS.

Le marché est également fortement tiré par les besoins d’organisation autour du flux routier sous toutes ces formes, du complet jusqu'au colis. C'est l'idée de la plateforme collaborative que nous avons lancée il y a quelques mois : au-delà des sociétés qui disposent des budgets transport justifiant l’investissement dans un TMS, il existe toute une série d'acteurs qui ont les mêmes besoins, mais ne savent pas comment les adresser. C’est la raison d’être de Join2Ship.

Les clients sont généralement satisfaits d’acheter franco de port et donc de ne pas avoir à gérer les opérations de transport. Ils ont néanmoins conscience qu’une telle configuration leur fait subir les désorganisations cumulées en amont de la chaine par des fournisseurs et des transporteurs encore assez peu équipés en TMS. Les répercussions peuvent en particulier être fortes sur leurs réceptions.

Les clients ne vont pas pour autant mettre en place de TMS dans la mesure où l’organisation des opérations de transport n’est pas de leur responsabilité. Avec Join2Ship en revanche, ils peuvent améliorer la relation avec leurs fournisseurs et les transporteurs de ceux-ci, organiser l'échange d’informations, partager les documents et planifier la prise de rendez-vous, tout en disposant d’une réelle traçabilité.

L'objectif est que le client puisse recaler en permanence le planning des rendez-vous et donc le travail de ses équipes en réception.

Avec Join2Ship, nous nous adressons à la fois à ceux qui expédient en leur donnant les moyens de faire bénéficier leurs clients d'une meilleure visibilité, mais aussi aux destinataires de la marchandise qui peuvent de leur côté embarquer leur écosystème de fournisseurs et transporteurs.


Quelle est la différence avec votre TMS DDS Shipper ?

DDS Shipper va offrir d'autres niveaux de réponse, les sujets traités étant généralement plus complexes. Ils concernent en particulier la planification (comment utiliser au mieux les capacités de transport négociées en prenant en compte les tarifs, les délais, les engagements et quotas, etc.) et la gestion tarifaire (contrôle facturation, préfacturation partagée au fil de l'eau avec les transporteurs, analyse financière, etc.).

J’évoquais tout à l'heure l’intérêt d’exploiter la masse d’informations disponibles pour mettre en place des indicateurs de performance et de suivi. Avec DDS Shipper, nous donnons les moyens à nos clients de construire ces analyses et d’identifier des opportunités de gain au-delà de l'optimisation quotidienne.

D’ailleurs, l’enjeu transport ayant aujourd’hui dépassé les seules responsabilités de la supply chain, nous mettons désormais à disposition des éléments de suivi, alertes et indicateurs aux acteurs qui ne sont pas directement en lien avec la fonction transport. Je pense aux commerciaux, acheteurs, managers, etc. Ces éléments sont directement accessibles depuis leurs téléphones mobiles.


Quels gains financiers attendre de la mise en place d’un TMS ?

L’utilisation d’un TMS permet classiquement d'économiser entre 5% et 10% du budget transport. Ces économies sont généralement assez rapidement enregistrées. Le tout est de s’assurer de continuer à profiter de ce gain dans la durée.

Notre client Nexans est même allé au-delà. Lors de son témoignage sur la dernière édition de Supply Chain Event, il a indiqué être allé chercher un niveau supplémentaire de gains sur la durée. Ceux-ci ont été obtenus par la meilleure compréhension de l’organisation transport grâce à l’analyse des données permises par le TMS. Nexans dispose ainsi des moyens de mieux suivre sa performance et de mettre en place des plans d'améliorations avec ses transporteurs.


Pour aller plus loin


Bio Express

Jérôme BOUR a pris la Direction de DDS Logistics en 2000, leader du TMS. Il a auparavant occupé les postes de Directeur Informatique du Groupe DAHER, de Responsable de l’organisation et des systèmes opérationnels chez DHL et de Consultant chez Ernst & Young.

Site Internet de DDS Logistics : www.ddslogistics.com


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