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‘‘Devenir la Visa de la visibilité ’’
Mickaël DEVENA


Mickaël DEVENA, VP Europe du Sud & Amérique Latine chez project44

Mickaël DEVENA, VP Europe du Sud & Amérique Latine chez project44


Interview réalisée le lundi 12 septembre 2022 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier : « Comment maîtriser la visibilité de sa Supply Chain ? »


Comment les entreprises appréhendent-elles les enjeux de la visibilité supply chain ?

Il y a encore quelques années, la chaîne d'approvisionnement n'était pas au cœur des préoccupations des entreprises. Les Dirigeants cherchaient avant tout à prioriser l’organisation de leurs campagnes marketing et l’optimisation de leur outil de production. 

Tout s'est en fait accéléré avec le Covid. La pandémie a permis une véritable prise de conscience : la Supply Chain étant globale, un évènement qui intervient à plusieurs milliers de kilomètres peut avoir des impacts importants sur l’ensemble de la chaîne et in fine sur les ventes de l’entreprise.

L’intérêt d'implémenter une visibilité de bout en bout est alors devenu assez évident. L’enjeu est d’être capable d’identifier les aléas ou les dysfonctionnements, d’anticiper leurs impacts et in fine de mettre en place les solutions pour limiter leurs effets.

Cela implique de savoir où se situent précisément les expéditions (matière première, produits semi-finis, produits finis, etc.) et quand celles-ci doivent arriver, quels que soient les modes de transport empruntés et l’endroit où elles se trouvent sur la planète. 

Disposer de données fiables en temps réel est alors clé.




Quels bénéfices concrets tirer de la mise en place de cette visibilité ?

Ce qui motive nombre de projets, c’est de pouvoir apporter de la proactivité à ses clients, d’être en mesure de leur fournir l’information la plus précise possible sur leurs futures livraisons afin qu’ils puissent optimiser leur organisation.

Prenons un exemple, si je dois livrer mon client tous les mardis de 8h à 14h, celui-ci sera intéressé de savoir que cette semaine, le camion arrivera finalement à 10h (ETA). Cela lui permettra d’occuper ses équipes sur d’autres tâches en début de matinée, de s’assurer que les quais seront bien libres pour effectuer la réception à 10h et que ses opérateurs redeviendront disponibles à partir de 11h, une fois la marchandise traitée.

Cette information peut être communiquée quelques heures avant l’arrivée prévisionnelle du camion, sachant que sur nombre de pays, les ETA ont une fiabilité supérieure à 98%. De toute façon, savoir que le camion est encore à 400 kilomètres alors qu’il était censé arriver dans une demi-heure permet déjà de comprendre qu’il va falloir adapter son organisation.

Ensuite, la visibilité favorise l’amélioration de la relation entre les chargeurs et les transporteurs :

  • En apportant une information proactive grâce à la connexion aux camions. Les échanges téléphoniques ou e-mail tendus peuvent dès lors être évités et le stress des équipes par là même réduit.
  • En limitant au maximum les temps d’attente sur les sites des chauffeurs. Prenons le cas d’un camion qui devait se présenter à 11h mais qui est finalement arrivé à 8h alors que, dans le même temps, celui de 9h a du retard et ne doit pas arriver avant 14h. Il sera intéressant d’autoriser le premier chauffeur à décharger plus tôt au lieu de lui faire attendre son tour sur le parking pendant 3 heures. Notre module de Dock Scheduling est justement dédié à l’optimisation de ces opérations.

La bonne collaboration entre chargeurs et transporteurs a d’autant plus d’importance que le marché européen devrait manquer de 350 000 chauffeurs dans les 4 ou 5 prochaines années.


Quel est le profil des utilisateurs d’une solution de visibilité ?

Les fonctions logistique et transport sont bien sûr les premières intéressées.

Néanmoins, la qualité des opérations supply chain ayant un impact sur l’ensemble de l'entreprise, de nombreux autres services vont souhaiter pouvoir bénéficier de cette visibilité :

  • Les équipes de Forecasting pour s'assurer du bon déroulement des opérations.
  • Le support aux ventes et les commerciaux, qui veulent savoir et répondre en temps et en heure à leurs clients.
  • Les équipes finance et comptabilité qui, en disposant de l’information sur la livraison, peuvent accélérer le processus de facturation.
  • Etc.

Comment faites-vous pour récupérer les données de visibilité ?

Il faut voir project44 comme une multiprise, qui vient se brancher sur divers systèmes informatiques en fonction de ce qui doit être traqué (bateau, camion, train, etc.) afin de pouvoir reconstituer cette visibilité de bout en bout.

Sur le transport terrestre, nous sommes aujourd’hui connectés à plus de 900 télématiques et nous en intégrons de nouvelles tous les mois. Nous pouvons également aller chercher les informations dans les TMS des transporteurs. Enfin, à défaut, nous mettons à disposition des chauffeurs une application mobile. Tout dépend généralement des tailles et de la maturité informatique des sociétés de transport utilisées par les chargeurs. Prenons le cas de notre client Pepsi Cola. Nous trackons en Europe plus de 90% de ses flux à travers des connexions aux télématiques. Néanmoins, en Espagne où beaucoup de petits transporteurs sont utilisés, la traçabilité est opérée à 85% à travers le recours aux applications mobiles.

Sur le maritime, nous sommes bien sûr connectés aux principales compagnies (Plus de 60), mais nous avons en plus développé des technologies de géofencing basés sur les points AIS (Automatic Identification System) nous permettant de croiser les informations avec ce que nous indiquent les armateurs.  
Sur les ports en eux-mêmes, nous sommes en mesure de savoir dans quelles zones se trouvent les navires (chargement, déchargement, zone d’attente, etc.) pour pouvoir aller au-delà de la simple information de l'arrivée du bateau et estimer le plus précisément possible le moment où la marchandise sera disponible.

Sur le ferroviaire, nous sommes connectés aux trains et à l'infrastructure européenne. Cela nous permet, en cas de blocage d’un convoi d’en connaitre les raisons et de pouvoir estimer la durée d’immobilisation. Nous appliquons la même logique sur le fluvial.

Sur l'aérien, nous sommes connectés aux principales compagnies, de sorte que nous arrivons à tracker 98% du fret opéré par les avions. Nous savons où ils se trouvent, s’ils sont en vol ou au sol, s'ils ont du retard, etc.


Est-il compliqué d’obtenir l’accord des transporteurs routiers pour récupérer les données ?

Je l’évoquais en début d’entretien, le Covid a changé la donne.

Aujourd'hui, rares sont les appels d'offres transport dans lesquels les chargeurs ne demandent pas à leurs prestataires de se connecter à une solution de visibilité. C’est donc naturellement que les transporteurs ont gagné en maturité sur le sujet ces dernières années.

Dans le même temps, une solution comme la nôtre leur permet de commencer à partager leurs données très facilement. Après avoir reçu une invitation, il leur suffit de se rendre sur notre plateforme, d’entrer les informations sur leur société, de sélectionner parmi les 900 télématiques, celles qu'ils utilisent et de communiquer leurs mots de passe. Cela peut donc être fait en quelques minutes seulement.

Pour nous, le plus compliqué est finalement de récupérer les plaques d'immatriculation à suivre. Sachant tout de même que plus de 70% de nos clients chargeurs disposent déjà de cette information dans leurs systèmes puisqu’ils l’utilisent pour contrôler l’accès à leurs sites. Si elle n’est pas disponible, nous pouvons nous connecter au TMS du transporteur pour la récupérer ou bien celui-ci peut uploader un fichier Excel, voire saisir les plaques à la main dans notre plateforme.

Ensuite, une fois le transporteur intégré à notre réseau, tout va très vite quand il s’agit d'accorder de la visibilité à un nouveau donneur d’ordre souhaitant utiliser nos services. Le transporteur est prévenu et peut refuser de partager les informations avec son client, bien sûr. Néanmoins, par défaut, la communication des données est automatique.


Quels bénéfices les transporteurs peuvent-ils tirer de la visibilité ?

Aujourd'hui, donner de la visibilité est donc devenu un prérequis pour qu’un transporteur puisse être bien positionné dans un appel d’offres. C’est même un plus quand, dans sa proposition commerciale, il indique être intégré et certifié project44. Le chargeur est rassuré et sait que la mise en place de la visibilité sera très rapide.

Au-delà de cette quasi-obligation, d’autres bénéfices existent pour les transporteurs.

Déjà, je l’évoquais en début d’entretien, la relation avec les donneurs d’ordre est apaisée. Ceux-ci sont informés automatiquement et les échanges d’e-mails ou les coups de fil agressifs sont drastiquement limités.

Ensuite, la mise en place de la visibilité est l’occasion pour le chargeur et le transporteur de créer de la valeur en optimisant les opérations sur site dans l’objectif de limiter les temps d’attente.

Enfin, la visibilité représente un formidable outil pour que le transporteur puisse démontrer au donneur d’ordre qu’il a bien été performant. C’est également le moyen de mettre en lumière les temps d’attente imputables à celui-ci et donc de faire jouer les compensations contractuelles prévues dans un tel cas.


Quid de la cybersécurité ?

La cybersécurité est un sujet très important pour project44. Même si nous ne traitons pas de flux financiers, la vue sur la Supply Chain de nos clients est sensible et doit être protégée.

Nous disposons donc d’équipes dédiées à ce sujet et sommes certifiés SOC 2 aux États-Unis et ISO 27001 en Europe.


Quelles sont les spécificités de l’offre project44 ?

Project44 est la seule solution en mesure de donner de la visibilité de bout en bout à la fois au niveau de l'ordre de transport et du produit. C’est-à-dire que nous allons au-delà du suivi d’un moyen sur un tronçon. Notre solution couvre l’ensemble des modes de transport sur un périmètre mondial. Nous sommes par exemple désormais en mesure de calculer un ETA de bout en bout.

Cela est en particulier rendu possible de par la colossale masse de data que nous collectons quotidiennement. À titre d’exemple, nous traquons aujourd’hui plus de 14% des volumes maritimes mondiaux quand nos principaux compétiteurs en suivent moins de 1%. Or plus vous avez de data, plus l'intelligence artificielle et le machine learning vont pouvoir révéler leur potentiel. Nous sommes ainsi en mesure de mesurer précisément la congestion des ports et avons d’ailleurs développé la solution Port Intel dans ce but.

Sur la partie terrestre, nous sommes numéro 1 en Europe et aux États-Unis et devrions également passer en première position en Amérique du Sud dans les prochains mois. 

Beaucoup nous considèrent comme une entreprise américaine, mais aujourd'hui, les États-Unis ne représentent plus que la moitié de notre chiffre d'affaires. La vision de notre fondateur Jett McCandless est d’ailleurs que la part de chaque zone géographique dans notre activité doit être directement en rapport avec son poids dans la Supply Chain mondiale.

C’est ainsi qu’aujourd'hui, nous sommes déployés en Océanie (Australie), en Asie (Chine et Japon), en Amérique latine (Brésil, Colombie, Chili et Mexique), etc.

Nos 1 300 collaborateurs sont ainsi répartis sur tous les continents (plus de 450 en Europe).


Vous bénéficiez donc d'une position de leader sur le marché de la visibilité…

Nous n'avons en fait pas de compétiteurs globaux.

Au dernier trimestre, nous avons dû faire 4 fois plus que les activités combinées de nos deux principaux compétiteurs américains et européens.

Je pense que les entreprises recherchent un acteur global en mesure de leur fournir cette visibilité de bout en bout tous modes confondus. La croissance de ces dernières années nous a permis d’atteindre une taille critique nous mettant en position favorable vis-à-vis de nos concurrents. C’est d’autant plus vrai qu’il devrait devenir de plus en plus compliqué de lever des fonds sur les marchés financiers. Or il est très couteux de développer une solution de visibilité aussi exhaustive que la nôtre. 

Notre objectif est de devenir « la visa de la visibilité » pour que, dans quelques années, une entreprise qui souhaite suivre ses opérations terrestres au Chili puisse commencer à en bénéficier en quelques jours. Tout cela nécessite de créer un réseau solide.

Les nombreuses acquisitions menées ces dernières années vont d’ailleurs en ce sens (Synfioo pour le ferroviaire début 2022, Convey pour le dernier kilomètre en 2021, Ocean Insights et ClearMetal pour le fret maritime en 2021, GateHouse Logistics pour le terrestre en 2018).


Quel modèle de vente proposez-vous ?

Nos solutions sont distribuées en mode SaaS. Celui-ci prend donc la forme d’un abonnement annuel fonction des différents modes de transport utilisés et des volumes d’expéditions suivies. 

Un point important est qu’avec project44, c'est celui qui veut avoir la visibilité qui paye. Un transporteur qui se connecte pour donner à son donneur d’ordre la visibilité qu’il lui réclame ne payera rien. Je sais que certains de nos concurrents ne fonctionnent pas ainsi, mais il ne nous semble pas pertinent de demander au transporteur de payer alors qu’il fait déjà l'effort de se connecter, de partager la donnée gratuitement.


Pour aller plus loin


Bio Express

Mickaël Devena est Vice-Président Europe du Sud et Amérique Latine chez project44. Il a intégré les équipes de l’éditeur en 2019.
Auparavant, il avait en particulier opéré chez Shippeo en tant que Responsable des grands comptes et du développement business et passé 14 années chez IBM.

Site Internet de project44 : https://www.project44.fr/


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