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‘‘ Sans adhésion, pas de collaboration ’’
Jérôme Bour, Newton.Vaureal Consulting


Jérôme Bour, Newton.Vaureal Consulting

Jérôme BOUR, NEWTON.VAUREAL CONSULTING


Entretien réalisé le vendredi 26 septembre 2025 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier : « Sécurisez votre Supply Chain grâce à une collaboration sans faille ».


Quels sont, selon vous, les principaux freins à la mise en place d’une collaboration efficace en Supply Chain ?

Plusieurs obstacles reviennent de manière récurrente.

Le premier concerne la disparité de maturité digitale entre les acteurs. Dans un même projet, certains partenaires disposent d’API sécurisées et de données bien structurées, tandis que d’autres fonctionnent encore avec des systèmes anciens, peu interopérables. Cette hétérogénéité ralentit la mise en place et complexifie les échanges.

Un deuxième frein touche aux questions de normalisation et de cybersécurité. Même si des standards comme ceux de GS1 existent, ils ne sont pas encore appliqués partout, et l’absence de langage commun reste un véritable obstacle.

Enfin, il existe une crainte d’un usage détourné des données. Un transporteur peut redouter que la transparence serve à son donneur d’ordre à reconstituer ses coûts et à renégocier ses marges, tout comme un fournisseur peut hésiter à livrer une information trop fine à un distributeur.

Si ces freins ne sont pas anticipés, ils créent autant de vulnérabilités qui fragilisent la Supply Chain. Les identifier est donc une première étape essentielle pour la sécuriser.




Comment les entreprises peuvent-elles dépasser ces blocages pour embarquer l’ensemble de leur écosystème et sécuriser leurs flux ?

Pour réussir, il ne suffit pas de décréter la collaboration : il faut créer les conditions pour qu’elle fonctionne réellement. Cela suppose d’anticiper les écarts de maturité entre partenaires et de mettre en place des dispositifs adaptés.

Plusieurs leviers sont possibles :

  • Prévoir différents modes de connexion (API, portails web, fichiers plats, etc.) afin de donner à chacun la possibilité de s’intégrer.
  • Mettre en place un véritable plan d’onboarding des partenaires, qui ne se limite pas à une aide ponctuelle mais inclut du support technique, de la formation et un suivi.
  • Définir clairement la granularité des données partagées, pour trouver le juste équilibre : partager suffisamment pour collaborer efficacement, sans pour autant exposer tous les détails de ses opérations.
  • Recourir à un tiers neutre, capable de filtrer l’information et de la redistribuer de manière ciblée, ce qui limite les risques de défiance.

Sans ce travail, une partie de l’écosystème reste en marge, ce qui empêche d’assurer une sécurisation complète de la Supply Chain.


Dans la pratique, quels acteurs sont le plus souvent à l’origine des projets collaboratifs ?

Dans la grande majorité des cas, c’est le client – industriel, distributeur ou chargeur – qui prend l’initiative. Seuls les acteurs majeurs ont en effet le poids nécessaire pour faire évoluer les pratiques de tout un écosystème.

Il existe également des démarches de filière, plus rares mais très intéressantes, où plusieurs concurrents se mettent d’accord pour collaborer. Cela suppose évidemment un haut niveau de confiance, mais aussi un business case commun et des règles claires de répartition des gains. Lorsqu’elles aboutissent, ces initiatives renforcent non seulement la performance, mais aussi la résilience collective de toute une filière.


Quel rôle votre cabinet peut-il endosser sur ce type de projets ?

Notre rôle est d’agir comme un facilitateur et un chef d’orchestre, capable de cadrer la démarche et de fédérer les acteurs autour d’un processus clair :

  • Nous commençons par définir le processus collaboratif adapté (GPA, VMI, TMS, plateformes de visibilité).
  • Nous travaillons ensuite sur la notion de chronoprocess, c’est-à-dire non seulement les étapes à suivre, mais aussi leur temporalité et leur enchaînement.
  • Nous aidons à formuler les données clés à échanger, avec un niveau de détail pertinent et partagé.
  • Enfin, nous organisons l’onboarding des partenaires, en apportant accompagnement terrain et support.

En tant qu’acteur neutre, nous pouvons fluidifier les relations et éviter que la collaboration ne soit freinée par des enjeux de confiance ou de rapport de force entre les différentes parties.


La visibilité est centrale au sein de ces démarches collaboratives…

La visibilité est devenue un sujet incontournable, mais il ne faut pas s’y tromper : elle n’est pas une fin en soi. Sa véritable finalité, c’est la capacité à tenir la promesse faite au client.

Autrement dit, savoir sur quelle date de livraison on peut s’engager, être capable de la prédire et de la mettre à jour de manière fiable. La visibilité est donc le moyen qui alimente cette maîtrise. C’est en ce sens qu’elle constitue un pilier de la sécurisation des flux.


Quels indicateurs suivre pour fiabiliser cette promesse ?

Concrètement, trois types de mesures sont particulièrement utiles pour piloter efficacement la démarche.

Le premier est l’écart entre l’ETA annoncé et la date réelle de livraison, qui mesure la fiabilité des prévisions.

Il convient également de mettre en place des indicateurs sur la qualité de la donnée transmise par les partenaires : est-elle exhaustive, exacte et fournie dans les délais ?

Enfin, il est utile de rappeler que le temps réel n’est pas toujours nécessaire ni possible. L’essentiel est de disposer d’une donnée suffisamment fiable et transmise avec la régularité attendue.

Ces indicateurs contribuent directement à fiabiliser la promesse client et à limiter les risques opérationnels.


Comment garantir la fiabilité des données partagées ?

La donnée transport (position, jalons) est généralement fiable car souvent automatisée. Le problème se situe plutôt dans l’appairage : si l’on associe la donnée à la mauvaise remorque ou à la mauvaise commande, elle perd toute valeur. Pour corriger cela, il est nécessaire de mettre en place :

  • Des mécanismes systématiques d’analyse des écarts entre prévisions, données remontées et réalité observée.
  • Une qualification de ces écarts, afin de distinguer ceux liés à un incident opérationnel (retard, déroutement…) de ceux liés à une erreur de donnée.

C’est ce suivi régulier qui permet de sécuriser la qualité globale de la visibilité et donc la fiabilité de la chaîne.


Quels résultats concrets peut-on attendre d’un projet de visibilité bien mené ?

Nous travaillons actuellement sur un projet de flux amont maritimes, un domaine où les perturbations sont nombreuses (blank sailing, transbordements imprévus, variabilité forte du service).

L’enjeu consiste à capturer l’information directement chez les fournisseurs pour connaître la disponibilité réelle des produits, puis à la croiser avec l’ETA maritime afin de fournir une prévision fiable aux clients industriels.

Dans des secteurs où le respect des délais est critique, cette visibilité devient un véritable levier de fidélisation. Les bénéfices sont tangibles : moins de pénalités, réduction des coûts liés à l’attente ou au stockage, et une rotation plus rapide des conteneurs. Résultat : un payback très rapide sur ce type de solution.


Comment réussir à embarquer les équipes et les partenaires dans une démarche de collaboration Supply Chain ?

Dans ce type de projet, la technologie et les processus sont essentiels, mais la véritable difficulté se situe ailleurs : dans l’humain. Même avec un sponsor fort et un business case convaincant, rien ne garantit que les équipes suivront naturellement. L’adhésion doit être construite, et c’est là que la conduite du changement devient décisive.

Concrètement, plusieurs dimensions doivent être travaillées pour susciter l’adhésion des équipes :

  • Donner du sens à la démarche en communiquant régulièrement et en accompagnant les équipes sur le terrain.
  • S’appuyer sur des relais internes capables d’incarner le changement et d’entraîner leurs pairs.
  • Mobiliser des outils structurés, comme la Fresque du Changement, pour favoriser la compréhension et l’alignement collectif.
  • Instaurer un climat de confiance entre les différents acteurs, notamment lorsqu’il s’agit de partenaires externes.
  • Ancrer la collaboration dans une logique de réussite partagée, en veillant à une progression progressive et équitable.

En définitive, la réussite de ces projets repose autant sur la qualité du dispositif d’accompagnement humain que sur la solution technologique choisie.


Bio Express

Jérôme Bour est associé du cabinet de conseil Newton.Vaureal Consulting.
Diplômé de Sup’Aéro, il commence sa carrière dans le conseil en organisation, chez Ernst & Young, et rejoint ensuite DHL Express, en charge des projets d’amélioration des opérations (tracing, systèmes de manutention, optimisation des tournées).
Il intègre par la suite le groupe Daher pour créer la fonction de direction des systèmes d’informations, pilotant en particulier les systèmes opérationnels (WMS, TMS, tracing 4PL).
Jérôme Bour prend la direction de DDS en 2000, pour créer un des acteurs majeurs sur le marché des TMS et du sourcing, jusqu’à la reprise de Fluid-e et le rapprochement avec Generix en 2023.

Site Internet de Newton.Vaureal Consulting : https://www.newtonvaureal.com/fr_fr/


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