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‘‘ Un WMS ne se choisit pas par étiquette sectorielle ’’
Jean-Michel Lefebvre, EKIDEM


Jean-Michel Lefebvre, Directeur du cabinet de conseil EKIDEM

Jean-Michel Lefebvre, Directeur du cabinet de conseil EKIDEM.


Entretien réalisé le vendredi 27 juin 2025 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier : « WMS/TMS : quelle solution pour quels enjeux métier ? ».


Peut-on segmenter les WMS par secteur d’activité ?

Classer les solutions par secteur d’activité serait trop réducteur.

Certains éditeurs proposent certes des approches sectorielles simplifiées, à travers des « templates » configurés pour répondre à des besoins fréquemment rencontrés dans certains contextes métier. Utile pour amorcer un cadrage, cette démarche reste insuffisante pour qualifier une solution de « spécialisée ». Car les besoins logistiques dépassent largement les frontières sectorielles. Ce qui compte réellement, c’est la capacité du WMS à s’adapter à des cas d’usage concrets — qui peuvent s’inspirer de pratiques sectorielles, sans pour autant s’y limiter.

Deux entreprises d’un même secteur peuvent avoir des organisations radicalement différentes, tandis que des acteurs de secteurs distincts peuvent partager des exigences fonctionnelles similaires :

  • Le cross-docking, par exemple, est essentiel sur une plateforme de produits frais, mais peut, dans d’autres environnements comme le textile ou l’e-commerce, cohabiter avec des logiques de stockage plus classiques.
  • Même chose pour la traçabilité, aussi indispensable dans l’agroalimentaire que dans la pharmacie ou les cosmétiques.
  • Quant aux fonctions liées à la production, elles ne se limitent pas à l’industrie : elles concernent aussi des entreprises intégrant des étapes de transformation (kitting, co-packing, etc.).

Une approche par secteur montre d’autant plus ses limites lorsque les processus sont hybrides ou complexes. C’est particulièrement vrai pour les prestataires logistiques, qui doivent conjuguer polyvalence et richesse fonctionnelle. Leur WMS doit non seulement gérer des flux très variés, mais aussi répondre à des exigences spécifiques à leur métier : gestion des unités d’œuvre, facturation des prestations, portail client… autant de fonctionnalités que toutes les solutions ne proposent pas en standard.

Plutôt que de chercher une solution prétendument « sectorielle », mieux vaut donc se concentrer sur les processus clés de son entreprise. Ce sont eux qui guideront le choix d’un WMS réellement adapté — capable de répondre avec précision aux enjeux opérationnels, au-delà des standards du secteur.

Encore faut-il savoir comment identifier cette solution.




Justement, comment choisir un WMS adapté à son activité ?

Inutile de s’attarder sur les fonctionnalités standards que tous les WMS proposent. L’enjeu est d’identifier les scénarios métiers propres à son organisation, et de retenir les solutions capables d’y répondre précisément.

Pour formaliser ces attentes, il convient de rédiger un cahier des charges clair, structuré et hiérarchisé. Le document doit refléter les besoins actuels tout en anticipant les évolutions futures. Il s’agit de distinguer ce qui est essentiel (« must have ») de ce qui relève du simple confort (« nice to have »), afin de prioriser les fonctionnalités attendues. Tant que les fonctions clés sont couvertes, certains besoins secondaires peuvent faire l’objet d’un traitement plus souple. Le bon compromis reste une affaire de priorisation.

Le cahier des charges ne doit pas être un cahier de développement : il s’agit de décrire les besoins, pas de dicter la façon dont l’outil doit y répondre. C’est ce qui permet à l’éditeur de proposer des alternatives pertinentes issues de bonnes pratiques éprouvées.

Au-delà des exigences fonctionnelles, d’autres paramètres structurants doivent être pris en compte : taille de l’entreprise, dimension des sites logistiques, niveau d’automatisation… Une grande organisation recherchera une solution robuste et hautement paramétrable, tandis qu’une PME privilégiera un outil plus simple à intégrer et à exploiter.

La configuration même des sites joue aussi un rôle. Un entrepôt avec de nombreux utilisateurs nécessitera un pilotage fin des tâches et une forte segmentation. À l’inverse, une structure plus restreinte attendra davantage de polyvalence.

La capacité du WMS à s’interfacer avec des équipements automatisés ou à intégrer un WCS est également un critère clé, désormais transversal à tous les secteurs. Même logique pour les technologies comme l’IoT, la RFID ou les caméras : le système doit pouvoir les intégrer nativement ou via des API ouvertes, sans développement spécifique à chaque projet.

Enfin, il faut veiller à ce que la relation entre les partenaires soit équilibrée. Un écart trop important en termes de taille, de rythme ou de niveau d’attente peut nuire au bon déroulement du projet. La compatibilité des profils est donc essentielle pour construire une collaboration durable. La manière dont l’éditeur répond au cahier des charges est déjà un indicateur : une réponse imprécise ou tardive est souvent le signe d’un projet qui s’annonce compliqué.

Une fois cette première sélection effectuée, il est fondamental de challenger les éditeurs et intégrateurs sur leur capacité à traiter les cas d’usage spécifiques. Les soutenances doivent se concentrer sur ces points différenciants.

Solliciter des références est ensuite indispensable. Les visites de sites restent l’un des meilleurs moyens de valider la pertinence d’une solution, même s’il n’est pas nécessaire que l’entreprise visitée exerce exactement la même activité.

Ces visites se déroulent généralement dans un climat favorable. Les professionnels de la logistique sont plutôt ouverts, mais il reste important de garder un œil critique : certains discours peuvent enjoliver la réalité. D’où l’intérêt de croiser les sources et de multiplier les retours avant de se forger une conviction solide.



Comment sécuriser le déploiement de la nouvelle solution ?

La mise en place d’un WMS est un projet structurant, avec un impact direct sur la performance opérationnelle et la satisfaction client. S’il échoue, c’est toute l’activité qui peut être paralysée.

Si un bon cadrage des besoins pose les bases, plusieurs autres conditions doivent être réunies :

  • Anticiper la conduite du changement

Les projets WMS relèvent souvent du remplacement d’un outil existant. Les utilisateurs comparent spontanément la nouvelle solution à l’ancienne. Plutôt que de subir cette comparaison, mieux vaut les associer dès le début : leurs attentes deviennent alors un levier d’adhésion.

  • Impliquer les bons profils

Les key users doivent être mobilisés tôt, détachés au maximum du quotidien, et associés à toutes les étapes clés. Ce sont eux qui connaissent les cas particuliers — même s’ils ne sont pas toujours habitués à les formaliser.

  • Garantir une bonne compréhension entre des profils issus d’univers distincts

Chef d’équipe, consultant, équipe IT… tous ne parlent pas le même langage. Et les malentendus sont fréquents. Un même mot peut recouvrir des réalités différentes. Il faut un chef de projet — ou un accompagnateur — capable de faire le lien entre les univers et d’assurer une compréhension partagée à chaque étape.

  • Ne pas réduire le WMS à un projet logistique

Achats, ventes, finance, qualité… tous ces services doivent être consultés. Le WMS touche aux flux globaux. Les impliquer régulièrement permet d’anticiper les impacts et de valider que les flux répondent à leurs besoins.

  • Préparer tôt la stratégie de démarrage

Elle doit être pensée dès le cadrage. Les tests en conditions réelles (tirs à blanc) sont également indispensables pour envisager un go live serein : le premier pour identifier les ajustements, le second pour les valider et rassurer les équipes.

  • Sécuriser les premiers jours

Une baisse de productivité est inévitable. Il faut la prévoir : réduire les volumes si possible, renforcer les équipes, garantir la disponibilité de l’éditeur. Impliquer les ventes et les achats permet de mieux lisser les flux et d’anticiper avec les clients.

  • Ne pas négliger les aspects techniques

Disposer d’indicateurs simples pour piloter le démarrage est crucial (commandes préparées par zone, par équipe…). La reprise de données doit être irréprochable : des fiches articles propres, un stock initial fiable. Enfin, une réconciliation quotidienne entre le WMS et l’ERP dès le jour 1 est indispensable pour détecter rapidement toute anomalie d’interface ou de synchronisation.


Quel type d’organisations votre cabinet accompagne-t-il, et sur quelles phases du projet ?

EKIDEM accompagne principalement les PME et ETI, les derniers projets ont été menés dans des secteurs d’activité variés : industrie vinicole, distribution spécialisée pour la construction, e-commerce dans la pièce auto, etc. Malgré des contextes métiers très différents, les besoins en structuration des projets WMS restent souvent comparables.

Notre intervention se concentre sur les phases amont : cadrage, design fonctionnel, construction du cahier des charges. L’objectif est double : garantir une communication fluide entre tous les acteurs du projet, et s’assurer que la solution — ou plus exactement sa mise en œuvre — réponde fidèlement aux besoins exprimés.

Au-delà du choix de l’outil, tout se joue dans la manière dont les consultants l’interprètent et le paramètrent. C’est pourquoi une attention particulière est accordée à la clarté du dossier d’analyse fonctionnelle, qui devient la référence du projet. EKIDEM peut également intervenir sur l’élaboration du cahier de recettes, la définition des scénarios de test, ou encore la conduite de projet, selon les besoins.


Qu’est-ce qui vous distingue dans votre approche ?

Là où de nombreux cabinets adoptent une approche généraliste — en couvrant des périmètres très larges, de l’ERP à l’APS — j’ai fait le choix de la spécialisation : un accompagnement entièrement centré sur les problématiques logicielles opérationnelles, avec une expertise dédiée aux projets WMS et TMS.

Ce positionnement s’appuie sur une expérience concrète des éditeurs : près de 30 ans passés chez un grand acteur français du WMS/TMS, avec à la clé la conception d’un outil et l’accompagnement de nombreux déploiements. Cette expérience m’a donné une vision claire des attentes des prestataires face aux appels d’offres. Un bon cahier des charges doit trouver le juste équilibre : suffisamment précis pour cadrer les besoins, sans être trop long ni trop rigide. Il est essentiel de formuler des priorités claires, laissant aux éditeurs la souplesse nécessaire pour proposer les meilleures réponses.

Cette double expertise, à la fois côté éditeur et côté terrain, facilite l’identification des incompréhensions entre équipes métier, IT, éditeurs et intégrateurs. Elle permet de faire le lien entre les visions, de poser les bonnes questions et d’anticiper les zones de flou avant qu’elles ne deviennent des points de friction.

Enfin, l’accompagnement ne s’arrête pas à la vérification des livrables. Il s’agit aussi de challenger les propositions, de pousser les consultants à envisager d’autres options, à intégrer les bonnes pratiques observées ailleurs. L’enjeu : optimiser les processus, plutôt que de reproduire à l’identique l’existant.


Bio Express

Ingénieur en technologies du numérique, Jean-Michel Lefebvre débute chez Dassault Électronique avant de passer près de 30 ans chez un éditeur de WMS/TMS, où il conçoit un WMS et contribue au développement de l’entreprise. En 2022, il fonde EKIDEM pour accompagner les PME et ETI dans leurs projets de digitalisation logistique, depuis le choix de solution jusqu’à l’assistance à maîtrise d’ouvrage.

Site Internet d’EKIDEM : https://www.ekidem.com/


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