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‘‘ Le transport reste un levier de différenciation souvent sous-exploité ’’
Mathilde DELIVRE, Manhattan Associates
Mathilde DELIVRE, Responsable de l’équipe avant-vente Europe continentale chez Manhattan Associates.
Entretien réalisé le mercredi 14 mai 2025 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier : « Faites de votre transport, l’arme fatale de votre compétitivité ».
Comment les entreprises s’assurent-elles de la qualité de leurs opérations de transport ?
Dernier maillon de la chaîne logistique, le transport joue un rôle clé dans la qualité perçue par le client et donc dans sa satisfaction comme dans sa fidélisation.
Pour les entreprises qui s’appuient sur des transporteurs externes — la majorité des cas — l’enjeu est de piloter la performance de ces partenaires : ponctualité, respect des créneaux, taux de litige… autant de critères essentiels pour garantir un bon niveau de service au point de réception, assurer un déchargement fluide et rendre les produits disponibles dans les délais attendus.
D’autres font un choix différent : celui d’internaliser leur flotte, afin de mieux maîtriser la relation avec le destinataire final. Les chauffeurs sont alors sectorisés, connaissent les sites, les contraintes horaires, les interlocuteurs… Ce capital opérationnel ne s’improvise pas : il repose sur l’expérience, la stabilité des équipes et une organisation fine des tournées.
Comment a évolué la perception des TMS chez les chargeurs ?
Les choses bougent. Il y a encore quelques années, les solutions de gestion du transport étaient perçues comme accessoires. Aujourd’hui, les directions logistiques s’emparent pleinement du sujet. Elles ne veulent plus se contenter d’une gestion manuelle des flux sous Excel : elles cherchent à industrialiser les processus, à fiabiliser les données, à gagner en réactivité.
Un constat revient souvent lors des échanges : les exploitants consacrent une énergie considérable à consolider les commandes, à ressaisir des informations, à jongler avec des tableaux. Résultat : ils n’ont pas le temps de se concentrer sur ce qui compte vraiment, c’est-à-dire la gestion et la résolution des aléas. D’où cette demande de plus en plus fréquente d’un outil capable de centraliser l’information, de générer des alertes, de notifier les écarts.
Mais cette volonté d’automatiser suppose aussi d’accompagner une évolution culturelle. Pour la plupart des équipes, travailler avec un outil dédié au transport est quelque chose de nouveau. Passer à une solution structurante demande de formaliser les règles métier et de s’engager dans une vraie conduite du changement.
Quels sont les grands axes de demande ?
Trois grandes priorités émergent clairement dans les projets :
- L’automatisation : l’objectif est de rationaliser les opérations répétitives pour gagner en fiabilité et en temps de réaction. La centralisation des données et la génération d’alertes permettent à l’exploitant de se consacrer aux imprévus plutôt que de gérer l’administratif. Le TMS endosse alors le rôle de tour de contrôle, capable de notifier et de proposer des actions correctrices voire préventives.
- La visibilité recentrée sur les points-clés : le « buzz » autour des plateformes de visibilité est retombé. Les attentes se sont rationalisées. Dans le B2B, les destinataires n’ont pas besoin de suivre leur camion à la minute. Ils veulent des informations fiables aux bons jalons : départ, arrivée, incidents. Cela permet aussi de mieux gérer les litiges transport. L’intégration de ces événements dans le TMS est désormais incontournable.
- L’intégration des enjeux environnementaux : les organisations sont de plus en plus nombreuses à chercher des leviers de réduction de leur empreinte transport. Cette préoccupation monte en puissance dans les appels d’offres comme dans les arbitrages quotidiens. Le sujet fait désormais partie intégrante des réflexions stratégiques.
Quels symptômes révèlent une organisation transport en perte d’efficacité ?
Lorsque la planification prend trop de temps, les organisations ont souvent le réflexe d’adopter un fonctionnement figé, basé sur des tournées statiques. Les marges de manœuvre s’en trouvent réduites, avec pour conséquence des restes à quai ou à livrer qui deviennent récurrents.
Ce sont des signes révélateurs qu’une révision du schéma transport s’impose. C’est dans ces situations que nous accompagnons les entreprises dans la redéfinition de leur organisation. Nous préconisons alors de commencer par une modélisation réseau : injection de données, simulation des tournées, projection de volumes futurs. Cela permet de valider ou non les schémas existants, d’enrichir les tournées statiques, d’y intégrer une part de flexibilité, voire d’envisager un pilotage dynamique.
Mais avant de basculer vers un fonctionnement pleinement optimisé, il faut souvent rassurer. La confiance dans un moteur d’optimisation ne se décrète pas : elle se construit progressivement, une fois que l’outil a fait ses preuves sur le terrain.
Quels leviers de retour sur investissement un TMS peut-il activer ?
La question du retour sur investissement est récurrente, et elle est légitime.
Sur le plan opérationnel, le TMS permet de fluidifier l’exécution en limitant les tâches manuelles et les doubles saisies. Mais c’est surtout dans sa capacité à structurer les données et à fiabiliser le pilotage que l’impact se mesure, en libérant du temps pour les décisions réellement créatrices de valeur.
À un niveau plus stratégique, l’outil permet d’analyser finement l’organisation du transport : mieux répartir les ressources, ajuster les volumes entre prestataires, remettre en question certaines habitudes.
Beaucoup d’entreprises ignorent encore les marges de manœuvre dont elles disposent. Elles reconduisent les mêmes schémas, travaillent avec les mêmes transporteurs, appliquent les mêmes grilles tarifaires, sans vraiment comparer les alternatives. Le TMS aide justement à révéler ces angles morts. Il apporte plus de flexibilité dans le choix des partenaires et permet des arbitrages plus précis selon les zones, les volumes ou les niveaux de service attendus. Le transport, souvent vu comme un simple centre de coût, devient alors un véritable levier de différenciation.
Au-delà du ROI immédiat, le TMS permet aussi d’élargir la notion de performance. En croisant les critères économiques, opérationnels et environnementaux, il devient un véritable outil d’aide à la décision. Il permet d’aligner les opérations avec les objectifs RSE de l’entreprise, d’optimiser les arbitrages entre coût et qualité de service, voire de transformer la fonction transport en centre de profit. Certaines enseignes commencent ainsi à refacturer le service à leurs clients ou fournisseurs. Encore faut-il disposer d’un outil structurant, capable de suivre précisément les flux, les coûts réels et les marges dégagées.
Comment renforcer la collaboration entre transport et entrepôt ?
C’est un sujet souvent sous-estimé. Dans les projets, on se concentre sur la planification transport sans toujours vérifier si l’entrepôt peut suivre derrière. Or, pour garantir un fonctionnement fluide, il faut s’assurer que les capacités logistiques sur site permettent d’absorber la charge dans les délais impartis. Autrement dit, être en mesure de répondre à des questions comme : « Les ressources pour préparer avant le cut-off sont-elles bien dimensionnées ? », « La marchandise est-elle prête ? », « Le quai est-il disponible ? », etc.
Ce travail de coordination ne peut reposer uniquement sur l’humain. Il nécessite des outils transverses de pilotage — indicateurs, alertes, tableaux de bord — capables de prévenir à temps les équipes concernées. C’est tout l’enjeu des KPI partagés entre transport et entrepôt. Un indicateur comme l’OTIF (On-Time In-Full), par exemple, mêle mécaniquement les deux dimensions. Tant que les fonctions sont pilotées séparément, il est difficile d’identifier l’origine réelle des problèmes.
Autre point d’attention : la gestion des pics. Dans certains secteurs, comme l’alimentaire frais ou surgelé, les transporteurs viennent chercher les marchandises en pleine nuit pour livrer les magasins à l’aube. Cela impose une pression très forte sur les équipes logistiques, qui doivent avoir tout préparé au même moment. Sans outil pour visualiser ces charges et anticiper les goulets d’étranglement, l’organisation devient intenable, tant sur le plan opérationnel que social.
La clé, c’est donc d’avoir une tour de contrôle logistique qui croise les flux, alerte en cas de surcharge ou d’engagement irréaliste, et donne aux équipes les moyens d’agir de manière concertée. C’est cette transversalité qui permet de fluidifier les opérations, de limiter les retards et, in fine, d’améliorer la qualité de service tout au long de la chaîne.
Pourquoi la cour logistique devient-elle un maillon stratégique ?
Longtemps reléguée au second plan, les entreprises ont pris conscience de son rôle clé dans la maîtrise des flux physiques et financiers. Pouvoir tracer précisément les entrées et sorties, mesurer les temps d’attente et en attribuer la responsabilité permet non seulement de fluidifier les opérations, mais aussi de sécuriser les échanges avec les transporteurs. Dans un contexte où les temps d’immobilisation peuvent faire l’objet d’une facturation, disposer de données objectives est devenu indispensable pour éviter les litiges et fiabiliser les facturations. À cela s’ajoute un enjeu croissant de sûreté. La cour reste un point de vulnérabilité logistique : vols de marchandises, voire de véhicules entiers, ne sont pas rares. La traçabilité des mouvements, l’identification des chauffeurs et le suivi des créneaux de chargement deviennent des outils essentiels de prévention.
Comment inscrire le transport dans une trajectoire de décarbonation ?
La réduction de l’empreinte carbone est désormais incontournable pour les entreprises. Objectifs RSE, engagements FRET21, attentes clients, appels d’offres : la pression est multiple et croissante. Si l’organisation transport est bien souvent identifiée comme un poste émissif, les leviers d’action sont encore sous-exploités.
Prenons le cas d’un acteur international de la cosmétique qui expédiait traditionnellement ses coffrets de fin d’année par avion, partout dans le monde. Solution rapide, mais très carbonée. En anticipant de trois mois ces envois et en optant pour un transport maritime, l’entreprise a pu maintenir ses délais de mise en rayon tout en réduisant considérablement son impact environnemental. L’ensemble du réseau logistique était resté inchangé : seul le calendrier d’expédition avait été repensé.
Ce type de démarche montre bien que la décarbonation ne passe pas uniquement par un changement de mode ou l’ajout de filtres techniques, mais par une réorganisation globale du transport, pilotée dans le temps. Allonger certains délais, modifier les fenêtres de livraison, combiner les flux, revoir le séquencement des opérations : les leviers sont multiples, mais nécessitent d’être pensés en amont.
Pour cela, les outils digitaux jouent un rôle essentiel. Ils ne remplacent pas les arbitrages métier, mais permettent de les éclairer. En modélisant différents scénarios, en mesurant les écarts d’émissions et en intégrant des indicateurs environnementaux dans les processus de décision, ils transforment une intuition en trajectoire. Une fois les choix validés, ils assurent leur exécution cohérente dans la durée.
Comment votre solution se distingue-t-elle aujourd’hui et continue-t-elle d’évoluer ?
Nous défendons une approche unifiée : une même plateforme pour le WMS, le TMS et l’OMS. Cela permet, par exemple, de récupérer dès la commande une estimation fiable du volume (en palettes, en mètres linéaires…), issue des données de prépalettisation du WMS. Le plan de transport est alors plus pertinent, le taux de remplissage des camions optimisé, les restes à quai réduits.
Autre point fort : la connectivité. Le TMS doit être une plateforme d’échange, capable de communiquer avec tous les systèmes tiers (ERP, 3PL, douanes, clients, transporteurs, etc.). Nous disposons d’un socle d’API riche et pouvons également en générer à la demande, selon les besoins spécifiques du client.
Notre architecture permet en outre de gérer en temps réel les annulations ou modifications de commande. Grâce à une base unifiée, la réactivité est bien supérieure à celle des environnements silotés : une demande est supprimée, deux palettes sont libérées, une autre est insérée dans le plan de transport, évitant ainsi un affrètement supplémentaire inutile.
Pour continuer à faire évoluer notre solution, nous investissons fortement dans l’expérience utilisateur. C’est un axe majeur de notre roadmap : simplifier les interfaces, intégrer davantage de glisser-déposer, réduire les clics, accélérer la prise en main. Nous savons que les profils opérationnels sont difficiles à recruter et que la montée en compétences doit être rapide. C’est pourquoi nous travaillons à l’intégration d’interfaces en langage naturel, portées par l’IA générative. L’objectif est qu’un exploitant puisse interroger directement l’outil – « quels sont mes trois transporteurs les plus fiables ce mois-ci ? » – sans avoir à naviguer dans une arborescence complexe.
Ces capacités LLM (Large Language Models) facilitent la prise en main par les nouvelles recrues tout en valorisant l’expérience des équipes terrain. C’est un atout essentiel dans un secteur confronté à une pyramide des âges élevée et à des enjeux forts de transmission des savoirs.
En résumé, le TMS n’est plus un outil de back-office. Il devient un levier de compétitivité, de service client, de pilotage environnemental. À condition d’être bien intégré dans l’écosystème, d’offrir une expérience fluide aux utilisateurs et d’accompagner les organisations dans leur transformation. C’est cette ambition que nous portons avec notre solution.
Bio Express
Après un début de carrière dans les équipes services de Manhattan Associates, où elle a participé pendant trois ans au déploiement du WMS de l’éditeur, Mathilde DELIVRE a rejoint les équipes commerciales. Elle est aujourd’hui en charge du pôle avant-vente pour l’ensemble des solutions (TMS, WMS, OMS) sur l’Europe continentale. Elle totalise dix ans d’expérience au sein de Manhattan.
Site Internet de Manhattan Associates : https://www.manh.com/fr-fr
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