Dossiers > Supply Chain > Cap sur l'IA ! > Entretien GENERIX GROUP

‘‘ Avec le Machine Learning, il devient possible de s'adapter à un flux continu d'informations ’’
Isabelle BADOC, GENERIX GROUP


Isabelle BADOC, Supply Chain Solutions Marketing Manager chez Generix Group.

Isabelle BADOC, Supply Chain Solutions Marketing Manager chez Generix Group.


Entretien réalisé le mardi 12 décembre 2023 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier « Supply Chain, cap sur l’IA ! »


En quoi la Supply Chain constitue-t-elle un terreau fertile pour l'intelligence artificielle ?

L’Intelligence Artificielle a considérablement élargi les horizons dans les domaines de la prédiction et de l’optimisation des opérations logistiques et transport.

Les avancées du Machine Learning ouvrent en particulier la voie à une nouvelle façon d’optimiser des sujets tels que l’organisation des tournées de livraison, la planification des ressources en entrepôt ou la prévision des ventes.

‘‘ L'IA a considérablement élargi les horizons dans les domaines de la prédiction et de l'optimisation ’’

Bien que ces problématiques soient déjà adressées par des solutions logicielles traditionnelles depuis nombre d’années, il est désormais possible de les aborder en prenant en considération une quantité d’informations beaucoup plus importante, continuellement mise à jour. Grâce à des capacités de traitement accélérées, cette masse d’inputs peut être utilisée pour réaliser des simulations automatisées et pour formuler des recommandations pertinentes favorisant une prise de décision éclairée.

L’IA et le Machine Learning revêtent également un intérêt particulier dans le domaine du contrôle des données, notamment dans le contexte de la gestion d'entrepôt.

Tout au long de la journée, une multitude de données est générée. Être en mesure de surveiller étroitement les écarts de performance, comprendre leurs origines, et identifier les corrélations avec d'autres événements dans l'entrepôt représente une opportunité d’optimisation significative. Cela permet non seulement d'être alerté en cas d'écart, mais également de se voir proposer des axes de résolution, tels que la réaffectation des équipes ou la priorisation des commandes. La cible est, à terme, que l’IA permette de corriger proactivement les problèmes avant même que les opérations ne dévient.




Où en sont les entreprises sur l’IA appliquée à la logistique et au transport ?

Actuellement, de nombreuses sociétés réfléchissent à la meilleure façon d'intégrer l'IA dans leurs opérations. La question se pose néanmoins quant à la motivation derrière cette démarche : s'agit-il d'une simple stratégie de communication, ou bien d'une véritable conviction quant au potentiel de l'IA ?

Il est important de souligner que, bien que les attentes soient élevées, la maturité actuelle dans son adoption demeure relativement limitée. La mise en œuvre de ces technologies reste en fait complexe.

D’abord, la pertinence de son usage pour résoudre un problème dépend de la nature du défi à relever. Il y a un vrai exercice de définition du besoin et des objectifs à mener. Si les outils standards du marché permettent de résoudre ses problématiques de manière satisfaisante, le recours à l’IA n’est peut-être pas nécessaire. Si, au contraire, le nombre de paramètres à considérer est conséquent et que le sujet semble pouvoir tirer profit d’une automatisation des décisions, alors l’IA fera certainement sens.

‘‘ La mise en oeuvre des technologies d'IA reste complexe ’’

Ensuite, la capacité de l’entreprise à identifier les bonnes données, à les localiser et à s’assurer de leur fiabilité est stratégique. La qualité des recommandations est évidemment directement liée au nombre et à l’intégrité des informations d’entrée considérées. Il convient donc de mettre en place les ressources et procédures en mesure d’assurer leur sourcing et leur éventuelle correction.

Enfin, l'enjeu ne se limite pas uniquement à la conception d'algorithmes de Machine Learning. Il s'agit également de mettre à la disposition des utilisateurs des outils dotés d'interfaces homme-machine conviviales. Ces interfaces, sous la forme d'écrans interactifs, permettent aux équipes de s'approprier les algorithmes, de les paramétrer et de les programmer de manière à s’assurer qu’ils puissent répondre précisément à leurs besoins spécifiques.

Pour comprendre ce que l’IA peut apporter dans divers scénarios d'utilisation, la réalisation de POCs peut être pertinente. Ils permettent d'évaluer son potentiel et de déterminer si elle peut réellement fournir des services bénéfiques aux utilisateurs. Je suis donc d'avis qu'il est judicieux de mener ces expérimentations avant de pleinement s'engager dans le développement d’une telle solution. Ce n’est qu’après avoir constaté que des résultats positifs peuvent être atteints dans cette première étape, qu’il convient à mon sens d’envisager une industrialisation de la solution.


Quel premier sujet avez-vous adressé ?

Parmi les domaines propices à l'application de l'IA, la planification des ressources dans les entrepôts nous est apparue comme une opportunité majeure, offrant un potentiel significatif d'optimisation opérationnelle et de réduction des coûts logistiques. Le sujet tel que nous l’abordons englobe la prévision de la charge, l'optimisation du planning et l'affectation des ressources en tenant compte, entre autres, des compétences et niveaux de performances des équipes.

‘‘ La planification des ressources en entrepôt comme opportunité majeure ’’

Dans ce domaine, le Machine Learning ouvre la possibilité d'effectuer une planification optimale en tenant compte d'une quantité de données bien plus étendue que celles qu'un responsable d'entrepôt pourrait raisonnablement considérer.

Cette approche est donc particulièrement pertinente pour nos clients disposant de sites de grande taille, dans lesquels la gestion d'un nombre conséquent de ressources ne peut être optimisée à la main. Pour ces acteurs, les bénéfices en termes d’adaptation aux besoins logistiques et in fine d’optimisation opérationnelle promettent d’être significatifs, nos solutions visent à leur permettre d’adapter au mieux leurs ressources à la charge à traiter (anticipation des besoins en heures supplémentaires ou, à l’inverse, des ressources à libérer en fonction des fluctuations de l’activité).


Quelle démarche préconisez-vous ?

En premier lieu, nous avons pu le constater avec les premiers cas d’usage menés, il est indispensable d’accompagner les clients dans la définition précise de leurs besoins puis dans la planification des premières étapes de mise en œuvre.

Dans une première approche, les utilisateurs peuvent rencontrer des difficultés à distinguer ce qui revêt une importance prioritaire de ce qui est optionnel, et est donc susceptible d’être adressé dans un second temps.

Si je reprends le sujet de la planification des ressources en entrepôt, même si le client est demandeur d’une solution pouvant lui proposer le planning heure par heure de chaque opérateur, il doit réaliser que commencer par un dimensionnement précis de ses équipes sur une maille quotidienne est un objectif doté d’un potentiel bien plus conséquent et dont les bénéfices seront atteignables plus rapidement.
Une fois les premiers gains conséquents concrétisés, il sera temps de voir comment enrichir la solution au fur et à mesure.

Il est donc à mon sens recommandé de bien cadrer ses principaux objectifs et de débuter par des cas d'usage très simples.

Ensuite, il convient de bien prendre conscience de la différence de fonctionnement entre un algorithme d'IA et un logiciel classique.

Un logiciel respecte des règles fixes. Tant que celles-ci ne sont pas modifiées, l'outil applique les mêmes directives. Elles sont généralement conçues pour être durables dans le temps, et si des ajustements sont nécessaires, il est possible de les effectuer de manière ponctuelle à l'aide de l'éditeur.

‘‘ Gérer proactivement le comportement des algorithmes pour garantir leur fiabilité ’’

La promesse de l'Intelligence Artificielle réside au contraire dans sa capacité à s'adapter en permanence à un flux continu d'informations. Cela peut soulever des préoccupations liées au comportement des algorithmes et à la nécessité de les maîtriser. Un algorithme de Machine Learning peut potentiellement autoapprendre des erreurs ce qui le fera dévier de son objectif initial. En l'absence de surveillance constante, cette déviation peut devenir significative, entraînant une perte de confiance de la part des utilisateurs.

Ainsi, la gestion proactive du comportement des algorithmes demeure cruciale pour garantir leur fiabilité et leur crédibilité vis-à-vis des utilisateurs. Il existe donc une forme de gouvernance à mettre en place.

Même lorsqu'ils sont encapsulés dans des logiciels, il est impératif de surveiller leur performance, notamment dans le contexte des prévisions, où il est essentiel de constamment évaluer la précision par rapport aux résultats réels. En cas d'écart, il est nécessaire de mener une analyse approfondie pour comprendre les raisons de ces variations et être en mesure de procéder à des ajustements pertinents.

Les modèles de Machine Learning exigent donc une attention continue et une expertise approfondie pour garantir leur efficacité et leur pertinence à long terme.


Comment avez-vous abordé le sujet de l’IA ?

Nous avons adopté une approche progressive.

‘‘ Réussir à standardiser les algorithmes ’’

Notre point de départ a été l'analyse des données, en mettant particulièrement l'accent sur la compréhension des corrélations entre les différents éléments et leurs impacts réciproques.
Désormais, nous nous attaquons aux domaines du prédictif et de l'optimisation, notamment dans le contexte de la gestion et de la planification des ressources en entrepôt. La principale source de données que nous exploitons provient des scans effectués par les opérateurs en lien avec l’utilisation de notre WMS.

Notre objectif est de standardiser les algorithmes, en identifiant les similitudes entre les besoins de différents clients. Nous développons des algorithmes en mesure d'intégrer diverses informations. C’est-à-dire que si la donnée n’est pas présente chez un client, il est quand même possible de travailler en utilisant les autres informations disponibles.

Nous souhaitons donc développer des solutions offrant la puissance de ces algorithmes tout en étant intégrées dans un package standardisé, englobant la maintenance continue, l'exploitation en mode SaaS, et un suivi évolutif pour enrichir les solutions et les données sous-jacentes. L’objectif étant que cette technologie puisse être accessible et efficace pour tous nos clients.


Avez-vous identifié d’autres sujets que vous souhaitez adresser les prochaines années ?

Nous sommes actuellement en train d’explorer différents domaines en rapport avec le traitement des images en entrepôt qui constitue également un champ d'application à fort potentiel, notamment pour la traçabilité, le contrôle, l'alerte et l'identification de situations.

Il s'agit non seulement de lire des étiquettes, mais surtout d'exploiter des images d'opérateurs, de colis, de palettes et d'emplacements. Bien que ce domaine soit moins développé, il offre des possibilités considérables, notamment opérationnelles avec un contrôle automatisé de l’ensemble de l’outil logistique, générant des alertes en cas d’identification de problèmes.

Si nous n’en sommes qu’au stade de la recherche sur le sujet, notre collaboration avec un client partenaire nous a permis de constituer des bases de données réelles à partir des informations de son entrepôt. Avec cette démarche, nous avons déjà pu identifier cinq cas d'application, qui tous offrent un potentiel significatif pour l’entreprise en question, notamment en ce qui concerne la réduction de la charge liée au contrôle visuel. L'objectif est d'améliorer la qualité des processus sans pour autant engendrer d’augmentation des coûts associés.


Comment avez-vous constitué votre « équipe IA » ?

Notre Data Lab a été initié par un Data Scientist que j'avais eu en tant que stagiaire à sa sortie d'école il y a de nombreuses années. À l'époque, nous collaborions sur des projets d'Analytics, qui représentaient un défi majeur. Au fil du temps, il a su constituer une équipe solide.

Au départ, nous avons recruté des profils sortant d'écoles. Notre approche a ensuite évolué vers des recrutements plus séniors, en privilégiant des collaborateurs ayant déjà eu des expériences dans d'autres entreprises.

‘‘ Des chercheurs travaillant en étroite collaboration avec leur communauté ’’

L’équipe se compose de Data Scientists, spécialisés dans la création de modèles de Machine Learning et de Data Engineers, chargés d'identifier la localisation des données, de concevoir l'architecture d'alimentation des modèles, et de veiller à ce que l'ensemble du système fonctionne harmonieusement.

Ces profils sont bien souvent des chercheurs, thésards ou postdocs. Ils exploitent fréquemment des algorithmes open source. Leur expertise réside dans la combinaison de ces algorithmes, dans la capacité à les ajuster et à déterminer quel élément doit avoir plus de poids dans un contexte spécifique. Ils développent ainsi leurs propres méthodes de sourcing et travaillent en étroite collaboration avec leurs communautés. Plusieurs Data Scientists de différentes entreprises peuvent ainsi collaborer sur un même cas d'utilisation, publiant leurs résultats et l'état de leurs recherches.

En complément de ces Data Scientists et Data Engineers, nous avons des experts en interface Homme-Machine qui se chargent pour leur part de définir les bonnes solutions pour la restitution des résultats. Ceux-ci sont ensuite réintégrés dans l'outil opérationnel en tant que décisions, souvent après une étape intermédiaire dans laquelle ils sont présentés dans un écran dédié, fournissant des explications sur le processus d’optimisation, par exemple en exposant le poids attribué à chaque information. Cette transparence est cruciale pour renforcer la confiance des utilisateurs.


Bio Express

Isabelle BADOC est titulaire d’un Mastère Spécialisé « Intelligence Marketing » obtenu à HEC en 1997 et diplômée depuis 2015 d’un MBA Global & Domestic Transport Management de l’E.S.T. Elle démarre sa carrière en 1998 chez Influe en tant qu’ingénieure commerciale sur la solution de Gestion Partagée des Approvisionnements puis est en charge du développement du marketing produit. En tant que Product Marketing Manager, sa mission consiste à définir la stratégie marketing produit de la plateforme collaborative Generix Supply Chain Hub, de l’animer et de la valoriser auprès des marchés cibles. Elle participe également activement en France aux rencontres de l’Agora Club ou de France Supply Chain.

Site Internet de Generix : https://www.generixgroup.com/fr


Contactez notre équipe







  Autres témoignages

I. BADOC | GENERIX
‘‘Avec le Machine Learning, il devient possible de s'adapter à un flux continu d'informations ’’

F. DOUTEAUD | ALPEGA
‘‘ Passer au mode “Turbo” ’’

M. BERTHELON | BLONDEL / L. DELHAIZE | ALKI
‘‘ Intégrer l’ensemble des données de l’entrepôt et automatiser les processus décisionnels pour optimiser en continu les opérations logistiques ’’