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Supply chain : et si les pratiques dépassées coûtaient plus cher que les projets digitaux ?

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Chrymelie

Avis d'expert de Victoria Ivanova – Consultante IT Supply Chain


07/10/2025

Dans un monde où l’on parle d’IA, de blockchain et de supply chain prédictive, la réalité du terrain reste parfois surprenante : saisie manuelle des commandes reçues par fax, carnets de stock écrits à la main, tableaux Excel isolés pour piloter des flux complexes, appels téléphoniques pour suivre un camion…

Ces pratiques, venant d’une autre époque, persistent encore aujourd’hui, aussi bien dans des PME familiales que dans certains grands groupes internationaux. Elles freinent la performance, génèrent des erreurs coûteuses et créent une couche, opacité difficile à accepter à l’heure du “tout en temps réel”.

Dans cet article, nous allons parcourir ensemble les grands processus de la supply chain – de la gestion des commandes au transport, en passant par le stock et la planification – pour dresser le constat des méthodes datées encore présentes, illustrer ces situations par des cas concrets d’entreprises, et surtout montrer comment les outils digitaux (ERP, WMS, TMS, BI, IoT, IA…) permettent de transformer ces contraintes en leviers de performance.

Victoria Ivanova – Consultante IT Supply Chain.<br>
          Crédit photo : Chrymelie.
Victoria Ivanova – Consultante IT Supply Chain.
Crédit photo : Chrymelie.

Victoria Ivanova – Consultante IT Supply Chain.
Crédit photo : Chrymelie.


Gestion des commandes

Tout d’abord, ce constat concerne la gestion des commandes client où l’on trouve encore la saisie manuelle – ces dernières étant reçues par E-mail, voire par téléphone. Ceci est non seulement une source d’erreurs au moment de l’enregistrement (de frappe ou d’inattention pour les éléments comme la référence, les quantités et l’adresse) mais cela ralentit également le travail des équipes et les empêche de se concentrer sur les tâches à plus forte valeur ajoutée. De plus, le traitement manuel peut être la source des retards – quand une commande reçue par E-mail est noyée dans la multitude d’autres courriels – qui engendre assez souvent des perturbations de toute la chaîne (approvisionnement, production, logistique) et crée un effet « boule de neige ».

Le problème connexe est le processus de réconciliation manuelle permanente des données entre ERP, fichiers Excel et mail sur lequel les salariés perdent beaucoup de temps. On notera aussi l’absence de visibilité partagée en temps réel : le client ne sait pas systématiquement où en est sa commande, il doit appeler pour demander un suivi voire passer des heures en réunion avec son fournisseur pour faire un suivi « ligne à ligne ».


Cas pratique :

Un client envoie une commande PDF par mail et un échéancier de livraison en annexe sous format Excel. L’employé en charge de la commande transvasera cette dernière dans l’ERP en alternant entre la saisie et le copier-coller. Le client ensuite réalisera plusieurs avenants de la commande, en communiquant des modifications soit par E-mail, soit en adressant un échéancier de livraisons mis à jour sous tableau Excel. Le risque est alors très élevé de passer à côté d’une information importante.


Afin de pallier ce genre de problèmes et améliorer la performance des équipes, il est possible d’envisager plusieurs solutions informatiques. On peut citer les EDI (Échange de Données Informatisées), bien qu’elles ne soient plus considérées comme étant à la pointe de la technologie, elles permettent d’automatiser la transmission des commandes entre le système du client et l’ERP de l’entreprise assurant ainsi la réduction quasi-totale des erreurs de saisi ou de non-réception. Rappelons par exemple que le fonctionnement en EDI est un prérequis à la qualification des fournisseurs de l’industrie automobile qu’on retrouve dans le référentiel MMOG LE. Les portails clients sous forme d’une interface web ou application mobile facilitent aussi les échanges, permettant aux clients de saisir et suivre directement leurs commandes, recevoir des mises à jour en temps réel sur la disponibilité des produits, les délais de livraison et le statut de la commande – cela tend à réduire considérablement la communication « opérationnelle » par E-mail ou par téléphone. Aujourd’hui, ces portails s’intègrent de plus en plus dans la logique plus large des plateformes de supply chain management collaboratives clients-fournisseur qui vont même au-delà du traitement des commandes.

Il est également possible de recourir à la RPA (l’automatisation des processus par la robotique) – une technologie qui, en se basant sur les processus métiers prédéfinis contrairement à l’IA, permet d’automatiser rapidement et de manière fiable les tâches numériques. En l’utilisant, il est possible de robotiser le traitement des demandes des clients via des chatbots ou des assistants virtuels pour notamment répondre aux questions sur l’avancement de la commande ou de l’expédition. Et si toutefois des commandes arrivent encore par Email/PDF, la RPA couplée avec des OCR (outils de reconnaissance de texte) permettent de les intégrer automatiquement dans l’ERP.




Gestion des stocks

La gestion des stocks regorge aussi d’approches « old-school ». Dans beaucoup d’entreprises on retrouve encore les inventaires physiques réalisés manuellement avec les équipes qui comptent pièces par pièces en utilisant des fiches papier. De plus, ces inventaires peuvent être réalisés avec une fréquence réduite (une fois par mois, par trimestre, voire par an faute de ressources).

De nombreuses entreprises n’ont pas encore la vision de stocks en temps réel parce que les mouvements ne sont pas enregistrés immédiatement après que ces derniers ont eu lieu ou parce que les systèmes d’informations ne sont pas connectés entre eux : l’ERP ne communique pas directement avec l’entrepôt et vice versa. Certains utilisent encore des cahiers de stock papier ou fichiers Excel pour suivre les mouvements de tout ou une partie du stock. Ici encore, le risque d’erreur humaine ou d’oubli est très important, le stock géré de cette manière est donc peu fiable avec une forte probabilité d’écarts, de ruptures non anticipées ou de surstock voire les deux.

Enfin, les informations importantes concernant la traçabilité des produits telles que l’origine, les numéros de lot, de série sont suivis manuellement ce qui génère des erreurs de frappe et laisse la place à l’interprétation, faisant que les pièces appartenant au même lot peuvent être enregistrés comme deux lots différents.


Cas pratique :

En traitant une demande d’expédition, l’opérateur oublie de mettre à jour le niveau du stock dans l’ERP car tout le processus de préparation et d’expédition se passe hors système. Le stock ERP affiche alors une fausse quantité de pièces. Etant donné que les inventaires se font manuellement et seulement 1 fois par an, personne ne se rend compte avant la demande d’expédition suivante qui a lieu 3 mois plus tard. C’est là que l’on constate qu’il n’y a pas suffisamment de pièces en stock pour servir une expédition. Comme il s’agit de pièces critiques pour le projet du client, cela affecte négativement la relation commerciale entre les deux entreprises.


La digitalisation permet d’avoir une vision instantanée et plus fiable des stocks avec la mise en place des WMS (Warehouse Management System) où chaque mouvement est enregistré automatiquement dès qu’il est effectué. Intégré avec l’ERP, il permet de mettre à jour en temps réel le stock disponible dans l’ensemble de l’organisation (production, ventes, approvisionnement). Il est alors pratique de mettre en place les étiquettes codes-barres ou QR codes pour les produits qui le permettent : alors chaque article ou palette est scanné lors de l’entrée et de la sortie sans passer par l’ordinateur. Les WMS permettent aussi de réduire les erreurs lors de la préparation des commandes, en dirigeant les opérateurs vers le bon emplacement dans l’ordre optimal et affichent des alertes en cas d’écarts.

Pour aller encore plus loin, de nouvelles technologies sont de plus en plus adoptées pour fiabiliser la gestion de stocks. On peut citer la RFID (Radio Frequency Identification) qui à l’aide des micro-tags et d’un lecteur permet d’assurer la traçabilité sans contact pour savoir où se trouve chaque produit dans l’entrepôt avec une précision de quelques mètres. On y ajoute les capteurs intelligents de l’IoT (Internet of Things) pour le suivi de la localisation et des conditions de stockage (température, humidité, etc.) en temps réel. Ces innovations technologiques ainsi facilitent la gestion des inventaires qui peuvent désormais se réaliser en automatique avec 100% de précision quant à la présence ou non du de l’article dans son emplacement dédié.


Planification

Excel reste encore le « meilleur ami » des planificateurs dans de nombreuses entreprises. Dans ces fichiers distincts sans interconnexion avec l’ERP et d’autres systèmes d’information sont pilotés les paramètres stratégiques comme la prévision de la demande, planning de production et gestion des capacités. Très souvent, il n’y a donc pas de base de données commune accessible aux autres services concernés. Naturellement, les mises à jour sont manuelles ou réalisées avec une macro VBA dans le meilleur des cas, les formules fragiles et les fichiers peuvent facilement être corrompus. Pour ce qui est de la qualité des prévisions de vente en l’absence des outils adaptés, on a encore l’habitude de s’appuyer sur l’intuition des planificateurs et les règles historiques de saisonnalité et d’autres tendances figées sans vraiment s’appuyer sur la donnée exacte.

Parmi d’autres inconvénients de la planification réalisée via des fichiers Excel, on peut citer le fait que la donnée n’est pas dynamique, ce qui est essentiel pour piloter la demande au plus juste : les prévisions sont généralement réalisées une fois par mois ou par trimestre et sont très peu réajustées. Les écarts entre le prévisionnel et la réalité ne sont souvent pas mesurés ou sont corrigés manuellement et souvent trop tard pour réagir de manière agile face aux aléas, tels que les retards fournisseur ou la variation brutale de la demande.

Enfin, sans outils adéquats et partagés, les différents services se fient à leurs propres prévisions sans avoir de référentiel central. De ce fait, le partage d’information circule par E-mail ou lors des réunions mensuelles ce qui empêche de mettre en place un processus S&OP robuste et structuré.


Cas pratique :

Avant le 1er de chaque mois, le service planification interroge par E-mail le service administration des ventes au sujet des expéditions planifiées dans le système pour le mois à venir. Si les planificateurs possèdent les informations sur les risques liés à la production en interne, ils ont moins de visibilité sur les approvisionnements des produits négoces et pas du tout sur les risques de changements de la demande client. Les ADVs reçoivent un fichier avec toutes les échéances de livraison du mois et chacun en filtrant sur ses clients doit indiquer les quantités face à chaque produit qu’ils estiment vendre réellement au cours du mois à venir. Là encore on parle de la gestion manuelle pour vérifier et saisir plusieurs dizaines de lignes ce qui multiplie les risques d’erreurs et d’oubli. On laisse la place aux estimations au hasard pour « bâcler » une autre tâche fastidieuse plutôt que de se fier à la donnée centralisée issue du travail continu.

La digitalisation permet d’avoir une vision instantanée et plus fiable des stocks avec la mise en place des WMS (Warehouse Management System) où chaque mouvement est enregistré automatiquement dès qu’il est effectué. Intégré avec l’ERP, il permet de mettre à jour en temps réel le stock disponible dans l’ensemble de l’organisation (production, ventes, approvisionnement). Il est alors pratique de mettre en place les étiquettes codes-barres ou QR codes pour les produits qui le permettent : alors chaque article ou palette est scanné lors de l’entrée et de la sortie sans passer par l’ordinateur. Les WMS permettent aussi de réduire les erreurs lors de la préparation des commandes, en dirigeant les opérateurs vers le bon emplacement dans l’ordre optimal et affichent des alertes en cas d’écarts.

Ensuite, à la fin du mois, chacun doit remplir un fichier Excel avec de multiples références pour expliquer les causes de rupture ou de sur-stock.


A contrario, avec les outils informatiques, on peut grandement améliorer la fiabilité des prévisions de la demande et plans de production. En mettant en place un APS (Advanced Planning & Scheduling) on est cabale de traiter les données provenant de l’ERP et d’autres systèmes comme WMS, TMS pour modéliser grâce aux algorithmes avancés la supply chain réelle et proposer le meilleur scénario possible en fonction des contraintes et objectifs imposés. En couvrant plusieurs horizons et niveaux (du stratégique à l’opérationnel comme les ordres de fabrication) le but recherché est que tout le monde travaille sur la même plateforme avec des mises à jour sur les ventes, les stocks et les retards en temps réel et des alertes dès qu’un plan suivi devient irréaliste. De plus, les APS intègrent aujourd’hui les fonctionnalités de l’intelligence artificielle pour analyser les données historiques, la saisonnalité, les tendances du marché ainsi que de demand sensing qui consiste à assimiler les données en temps réel comme ventes e-commerce, les promotions de la concurrence, la météo et même les discussions sur les réseaux sociaux. La planification est donc sans doute le processus de la supply chain qui mobilise le plus de données, c’est pourquoi le reporting occupe une place centrale : grâce à des tableaux de bord partagés, issus des APS ou enrichis par des outils de BI (Business Intelligence), la direction bénéficie d’une vision homogène et actualisée à tout moment pour piloter les décisions.


Transport & logistique

Pour ce qui est du transport et logistique, il est courant, même chez les grands comptes, de s’appuyer sur la communication par téléphone ou E-mail pour organiser ou suivre une livraison. Dans beaucoup d’entreprises B2B pour informer le client de la progression de sa livraison, on va communiquer le numéro de suivi au moment de l’expédition en laissant au client le soin de le consulter au moment voulu, sauf que … bien trop souvent il ne le fera pas avant que la date de livraison prévue soit arrivée ou dépassée. Or, il aurait été plus prudent de pouvoir être informé en temps réel si un problème causant du retard avait eu lieu. On retrouve malheureusement toujours de la gestion papier des documents de transport (bons de livraison, CMR, etc.) ou documents réglementaires / qualité (certificat d’origine, rapport de test, etc.) qui accompagnent les livraisons, que l’on va recueillir, puis scanner pour en garder la trace.


Cas pratique :

Le service logistique traite les expéditions et rempli le numéro du tracking dans son outil interne. Il est consultable par le service ADV, mais n’est communiqué à ce dernier ni au client au moment de l’expédition. Une expédition internationale a eu lieu à temps par rapport à la durée de livraison contractuelle. Toutefois, quelques jours plus tard, quand la date de livraison prévue venait d’être dépassée, le client informe son interlocuteur ne pas avoir reçu les produits. L’ADV consulte alors le tracking et voit qu’il y a eu du retard de dédouanement et qu’une information devait être demandée au destinataire sans que ce dernier ne soit mis au courant. Alors, il s’excuse et communique cela au client, ce qui génère de l’insatisfaction. Cette situation aurait pu être évitée si le client recevait des mises à jour et alertes liées à sa livraison en temps réel.


Dans le transport, nous nous pouvons recourir aux TMS (Transport Management System) qui sont principalement des plateformes centralisées pour planifier, suivre et optimiser les flux de transport. Grâce à ces logiciels, il est possible d’optimiser les tournées, comparer les transporteurs selon les critères de prix, délais, fiabilité ainsi que piloter la relation commerciale avec eux. Naturellement, quand on parle du transport on parle du tracking en temps réel. Les capteurs GPS dans les camions ou les containers permettent de suivre leur position et recalculer le temps d’arrivée estimé en direct. Les capteurs IoT en plus de la position géographique transmettent les données sur les conditions de transport lié à l’humidité, la température et les chocs. En cas d’anomalie, une notification est alors envoyée pour avertir les clients.

Enfin, pour rendre le milieu du transport gourmand en documents papier plus écologique et pour faciliter l’archivage, on peut introduire des e-CMR (lettre de voiture électronique) et des bons de livraisons dématérialisés à signer électroniquement sur tablette.


Digitaliser ou ne pas digitaliser : telle est la question

Il est évident que la digitalisation est loin d’être la vérité absolue. Chaque entreprise a son propre contexte et ses priorités. Toutes ne peuvent pas se permettre de mener de front ces projets coûteux et parfois laborieux uniquement parce que “c’est dans l’air du temps”. Une entreprise ne peut pas décréter du jour au lendemain : « On digitalise toute la supply chain ». C’est un travail de longue haleine qui passe par des audits, l’analyse de la performance et l’élaboration de business cases solides.

La clé n’est pas de digitaliser pour digitaliser, mais de s’assurer que chaque initiative génère une valeur business mesurable : réduction des coûts logistiques, amélioration du taux de service, meilleure satisfaction client, ou encore optimisation des stocks. Le succès d’un projet se mesure par son ROI (Return On Investment) : combien d’économies, de gains de productivité ou de parts de marché l’entreprise retire par rapport aux ressources investies.

En somme, la digitalisation de la supply chain n’est pas une fin en soi, mais un levier stratégique. Bien pilotée, elle permet aux entreprises de transformer leurs vieilles pratiques en véritables avantages compétitifs.

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Victoria IVANOVA, a rejoint Chrymelie en tant que consultante Supply Chain – SI. Passionnée par l’optimisation des processus et la transformation digitale, elle contribue à accompagner les entreprises dans leurs projets de modernisation et de performance.



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