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‘‘ No pain, no gain : pas de performance logistique sans engagement ’’
Patrick TEISSIER, TGW LOGISTICS
Patrick TEISSIER, Directeur Commercial de TGW France.
Entretien réalisé le mercredi 19 mars 2025 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier : « Entrepôt : activez le mode experts ! »
Quels signaux faibles révèlent un dysfonctionnement en entrepôt ?
Dans un entrepôt, les problèmes ne restent jamais cachés bien longtemps. Dès qu’un dysfonctionnement apparaît, il impacte très vite l’ensemble de la chaîne, car tout repose sur du physique.
Les signes d’alerte les plus fréquents, nous les voyons à trois niveaux clés : à la réception, au réapprovisionnement du picking et au respect des départs des camion. Ce sont vraiment des zones sensibles.
Si la réception est mal gérée — avec des supports mal identifiés, des marchandises stockées au sol ou des missions non tracées — l’entrepôt se dérègle rapidement. Chaque dysfonctionnement finit par désorganiser l’ensemble du processus. On perd la fiabilité de l’inventaire, on ne sait plus exactement ce qui est en stock, ni dans quel état. Parfois, cela oblige à tout recompter. C’est une perte de temps, mais aussi de confiance dans le système.
Le réapprovisionnement, c’est pareil. C’est le lien entre le stock de masse (souvent palette) et les zones de préparation. Si le réappro ne suit pas, les opérateurs attendent les produits, les commandes ne partent pas à temps, et ça remonte très vite jusqu’à la direction. Dans ces moments-là, le logisticien est en première ligne, car les produits sont là, mais on n’arrive pas à les livrer. Et dans un environnement tendu, c’est très mal vécu, à tous les niveaux.
Comment évaluer efficacement la performance d’un entrepôt ?
Pour nous, il y a un indicateur qui fait vraiment la différence : la productivité au mètre cube. On parle souvent du mètre carré, mais ce n’est pas suffisant. Ce qui compte, c’est le volume réellement exploité.
Cet indicateur permet de mettre en évidence les entrepôts mal conçus, trop étendus, ou qui exploitent mal la hauteur. Et il est directement lié à la mécanisation : plus on monte, plus on densifie, plus on est efficace. Aujourd’hui, il faut aller chercher les 10 mètres de haut, voire plus, si on veut vraiment optimiser son outil logistique.
Beaucoup de grands acteurs comparent désormais leurs sites sur la base de cette productivité volumétrique, surtout quand ils doivent arbitrer entre plusieurs technologies : mini-loads, transstockeurs, trieurs, etc. L’intérêt, c’est que cette approche intègre aussi les coûts d’investissement et d’amortissement, pas uniquement les performances opérationnelles. C’est donc un indicateur complet, qui permet de vraiment mesurer la rentabilité d’un entrepôt.
Une faible productivité au mètre cube est-elle toujours un problème ?
Pas forcément. Tout dépend du modèle économique de l’entreprise. Certaines sociétés très rentables, dont l’activité repose avant tout sur l’image, le marketing ou la notoriété de la marque, du produit peuvent se permettre d’avoir des entrepôts moins performants. Tant que la logistique ne freine pas l’activité, ce n’est pas leur priorité. L’optimisation passe alors au second plan.
Mais pour d’autres secteurs comme celui de la grande distribution, c’est une toute autre histoire. La logistique est un levier de compétitivité directe. Si la productivité est faible, les marges sont pénalisées, et la capacité à proposer des prix attractifs s’en trouve limitée. Aujourd’hui, dans la grande distribution, ceux qui sont fortement mécanisés gagnent en productivité, donc en compétitivité, là où d’autres, moins automatisés, doivent composer avec des coûts plus élevés et une pression accrue.
Il faut aussi prendre en compte les contraintes propres à certains produits. Dans ce secteur, on distingue trois grandes familles de températures, et chacune appelle un modèle logistique adapté.
- Pour le sec (épicerie, boissons), on est sur un principe de stockage: les produits peuvent être conservés plusieurs semaines.
- Pour le frais (produits laitiers, viandes) et pour les fruits, légumes, fleurs, on est sur du cross-dock : ce qui arrive doit repartir le jour même ou presque.
- Le surgelé (à -25°C) revient à un modèle de stockage, mais avec des contraintes extrêmes : il faut densifier, isoler, et surtout, éviter d’exposer le personnel à des conditions aussi difficiles. Dans cet environnement, l’automatisation devient quasiment une obligation, notamment pour préserver les conditions de travail.
Et au-delà des considérations économiques, il y a d’autres facteurs qui accélèrent la modernisation : la pénurie de main-d’œuvre, le manque d’espace disponible, ou encore la nécessité de fluidifier les flux. Dans beaucoup de cas, les entreprises n’ont plus vraiment le choix.
Quand le coût logistique impacte directement le prix de vente, il faut absolument optimiser le stockage, la préparation et l’expédition. Sinon, c’est la perte de parts de marché assurée.
Et il ne faut pas oublier : un entrepôt à l’arrêt, c’est une entreprise à l’arrêt. Plus de livraison, plus de chiffre d’affaires, plus de service. La logistique n’est pas un support. C’est un pilier.
En quoi l’automatisation est-elle une réponse au manque de main-d’œuvre en logistique ?
C’est un sujet central. Aujourd’hui, la pénurie de main-d’œuvre touche presque tous les secteurs logistiques, et elle est structurelle. Dans ce contexte de tension sur les effectifs, l’automatisation devient un levier évident. Elle permet de répondre aux difficultés de recrutement tout en stabilisant les opérations.
Un entrepôt fortement mécanisé, avec du stockage automatisé en hauteur et de la préparation automatisée, permet de réduire par quatre les besoins en personnel. C’est énorme.
Prenons un exemple concret : un entrepôt qui nécessiterait 200 personnes en fonctionnement manuel peut tourner avec 50 en étant automatisé. Cela change complètement la donne, notamment dans des zones où le recrutement est compliqué.
Au-delà des volumes, il y a aussi la question de la gestion des effectifs. Une cellule logistique reste globalement gérable jusqu’à 200 ou 250 personnes. Cela suppose un fonctionnement en plusieurs shifts, mais au-delà, la complexité managériale augmente fortement. Mais au-delà, le pilotage devient complexe, la supervision difficile, et les risques sociaux augmentent.
L’automatisation permet aussi de rationaliser le nombre de sites. Plutôt que d’avoir plusieurs entrepôts avec des équipes dispersées, on peut regrouper l’activité sur un site automatisé, avec une organisation plus fluide, des coûts d’exploitation réduits, et une meilleure performance globale.
C’est d’ailleurs ce que recherchent de nombreux acteurs logistiques aujourd’hui. Ils veulent gagner en efficacité, mais aussi sécuriser leurs opérations dans un contexte de tension persistante sur les ressources humaines. L’automatisation permet de stabiliser les organisations, d’absorber les pics d’activité plus sereinement, et de réduire la sensibilité aux fluctuations des effectifs.
À quels retours sur investissement s’attendre ?
Le retour sur investissement dépend largement du type d’approche retenue. Il faut distinguer les projets fortement mécanisés, qui nécessitent une vision à moyen terme, des modèles plus légers, souvent choisis dans des contextes contractuels plus incertains.
Quand on parle de systèmes fortement mécanisés, sur des entrepôts à haute cadence et forte densité, on est en général sur des paybacks qui se situent entre 5 et 10 ans. Et quand on arrive à 10 ans, cela devient très compliqué à justifier. Mais dans beaucoup de cas, ces projets sont nécessaires : parce qu’il n’y a pas assez de collaborateurs disponibles, parce que la distribution doit être structurée, parce que l’entreprise a besoin d’un outil robuste.
Ma conviction, c’est « No Pain, no gain » : un vrai bénéfice passe par un investissement conséquent. Un projet bien conçu, avec un ROI autour de 5 ou 6 ans, c’est pour moi un très bon ratio. On gagne vite en productivité, et on installe une base solide pour la suite.
À l’inverse, certains acteurs, notamment les prestataires logistiques, n’ont pas la possibilité de miser sur des projets à long terme. Ils sont souvent liés à des contrats courts, parfois même résiliables chaque mois, une fois la première année de contrat passée – c’est ce qu’on voit par exemple en Angleterre avec les modèles de type credit revolving.
Dans ces cas-là, ils doivent se tourner vers des solutions plus légères, comme des AMR ou un peu de convoyage. Ce sont des systèmes moins engageants financièrement, avec un CAPEX plus bas, mais aussi moins de gains sur l’OPEX. Du coup, le ROI est plus modeste, parfois décevant à moyen terme.
Mais ça reste une réponse cohérente dans des environnements où la flexibilité prime sur la performance pure.
Et ce qui complique encore l’équation, c’est qu’on évolue dans un contexte économique et géopolitique extrêmement instable. On l’a bien vu pendant la crise du Covid : les prix des matières premières, comme l’acier, étaient tellement volatils que les offres commerciales ne tenaient parfois que 24 heures.
Et ce genre de situation peut réapparaître à tout moment. Une nouvelle crise géopolitique — en Ukraine, dans les pays baltes ou ailleurs — pourrait provoquer une nouvelle flambée des coûts. Or, quand vous vendez aujourd’hui un système qui sera livré dans deux ans, vous prenez un vrai risque : si le prix des matériaux double entre-temps, vous pouvez plomber la rentabilité du projet, voire le rendre tout simplement non viable.
L’automatisation reste plus que jamais un choix stratégique. Dans un environnement mouvant, elle demande une approche structurée, une vision à long terme et la conviction que la logistique est bien plus qu’un simple centre de coûts : c’est un véritable levier de performance et de compétitivité.
L’automatisation avancée est-elle réservée aux grands comptes ?
Pas forcément. C’est une idée reçue qu’on entend encore souvent, mais une automatisation poussée n’implique pas forcément des budgets colossaux.
Avec 10 à 15 millions d’euros, on peut déjà mettre en place des solutions très performantes, comme du goods-to-person, où l’opérateur reste à poste pendant que les produits viennent à lui, ou encore des robots autonomes pour gérer les flux.
Ce sont des technologies qui optimisent fortement la productivité et réduisent les coûts opérationnels. Mais attention : ce type de projet nécessite une certaine stabilité, une visibilité à moyen terme. Et dans le contexte actuel, ce n’est pas toujours évident de se projeter à 5 ou 6 ans.
D’un autre côté, on entend beaucoup parler de flexibilité comme d’un critère clé. Et c’est vrai qu’on nous demande des systèmes « flexibles ». Mais il faut rester lucide : la flexibilité est parfois une illusion. Des solutions comme les robots de stockage autonomes sont sans doute plus adaptables que les mini-loads classiques, mais ça reste malgré tout de la grosse mécanique, structurante, une fois en place.
L’enjeu est vraiment de trouver le bon équilibre entre performance, évolutivité et maîtrise des coûts. Ce n’est pas une simple question de budget, c’est une question de stratégie à long terme et de vision.
Que propose TGW Logistics ?
Chez TGW, nous sommes spécialisés principalement dans la préparation de commandes au détail, et de colis. Nous n’intervenons généralement pas sur des projets dédiés uniquement au stockage de palettes. Nous en intégrons ponctuellement dans des entrepôts mixtes, lorsqu’un stock de masse est nécessaire en complément, mais ce n’est pas le cœur de notre offre.
Nous adressons des secteurs très variés : textile, grande distribution, l’agroalimentaire, l’industrie, pièces détachées… Et surtout, nous concevons et fabriquons majoritairement en Autriche nous-mêmes l’ensemble des solutions d’automatisation : convoyeurs à colis, à palettes, shuttles goods-to-person, systèmes de stockage automatisé… Et, plus récemment, nous avons développé des robots autonomes, dans l’esprit des modèles type Exotec.
Notre particularité, c’est que nous ne partons pas d’un système standard unique, mais des besoins du client pour construire une architecture sur-mesure. Nous fabriquons 95 % des équipements que nous installons, ce qui nous donne une vraie maîtrise technique et une grande réactivité. Chez nous, un goods-to-person n’est pas une solution isolée. C’est un sous-système intégré dans une logique d’ensemble. Ce que nous concevons, ce sont des systèmes complets, cohérents, optimisés.
Cette philosophie nous permet de :
- Proposer une vraie différenciation. Nos projets sont pensés pour répondre à des besoins spécifiques et créer de la valeur.
- Éviter la banalisation. Lorsqu’une solution devient trop répandue, elle perd en attractivité. Nous cherchons à rester dans une démarche à forte valeur ajoutée.
Notre force, c’est notre équipe d’ingénieurs. Ils travaillent en lien direct avec les clients. Ils conçoivent, ajustent, trouvent des solutions concrètes. Nous disons rarement“ce n’est pas possible”, mais cherchons toujours comment faire pour que le système fonctionne, à la fois techniquement et opérationnellement.
Comment TGW se développe-t-il en France ?
L’année 2025 s’annonce comme excellente, en France comme au niveau du groupe. Nous avons déjà enregistré une entrée de commandes équivalente à celle de l’an dernier, et notre année fiscale, qui se termine en juillet, devrait afficher une croissance à deux chiffres. En France, nous allons tout simplement doubler notre activité.
Pour accompagner cette dynamique, nous renforçons fortement nos effectifs. D’ici peu, nous devrions passer de 130 à plus de 200 collaborateurs en France. C’est un cap structurant pour nous.
Il faut rappeler que nous sommes présents en France depuis seulement une quinzaine d’années, et que notre développement repose beaucoup sur nos équipes de maintenance, qui joue un rôle clé dans l’installation et l’accompagnement de nos systèmes. Nos projets étant très personnalisés, ils nécessitent un fort niveau d’assistance, notamment en phase de démarrage. C’est pourquoi nous intégrons systématiquement la maintenance dans notre offre, avec des équipes sur site, des garanties de disponibilité, et un accompagnement opérationnel dès les premiers jours d’exploitation et pendant plusieurs mois.
Quel est le mode d’organisation de TGW en France ?
Chez TGW, nous fonctionnons en mode décentralisé, ce qui fait une vraie différence. En France, nous avons toutes les compétences en interne : la vente, la conception, la réalisation, l’informatique… Tout est géré localement, sauf quelques briques très spécifiques, comme certains composants automatisés, qui restent centralisés au niveau du groupe.
Ce modèle nous donne une vraie agilité, et surtout une prise de décision rapide, au plus près du terrain, en langue française. Pour nous, c’est fondamental. Parce qu’une décision prise depuis un siège à l’étranger, sans connaissance fine du contexte local, est rarement la plus adaptée.
Nous croyons profondément que la proximité est un facteur de performance. C’est ce qui nous permet d’offrir des solutions sur mesure, réactives et pertinentes, parfaitement alignées avec les attentes du marché français.
Chez TGW, c’est aussi ça, notre conviction : pas de performance sans engagement. Encore une fois : « No pain, no gain. »
Bio Express
Patrick Teissier occupe le poste de Directeur Commercial de la filiale française chez TGW Logistics. Sa mission principale est d'identifier les projets adaptés aux solutions de TGW, contribuant ainsi à la rentabilité de la branche française de l'entreprise. Son parcours riche comprend 8 ans chez Savoye Logistics, 12 ans chez Dematic, avant de rejoindre TGW Logistics en 2017. Il a acquis une expérience variée dans les domaines de l'informatique et de l'automatisation, allant de solutions légères à des systèmes plus complexes.
Site Internet de TGW : https://www.tgw-group.com/fr/
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