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> Chapitre 5. La supply chain, élément de décision stratégique (ou illustration des neuf principes de base)


Le Bon sens de la logistique"Le Bon sens de la logistique"
Extraits de l'ouvrage d'Etienne Gancel
Editions Publibook


Chapitre 5. La supply chain, élément de décision stratégique (ou illustration des neuf principes de base)

Les chapitres précédents avaient pour but d'optimiser les indicateurs de performance de la supply chain, dans un environnement donné d'approvisionnement et de ventes.
C'est-à-dire trouver le meilleur compromis entre l'assurance d'un taux de service performant aux clients, des stocks faibles tout au long de la chaîne, et des approvisionnements les plus constants possible.

Nous allons maintenant utiliser les résultats de cette étude pour optimiser l'environnement et agir ainsi, plus en amont encore, sur les conditions dans lesquelles sera bâtie la supply chain pour lui garantir le contexte le plus favorable à la performance. Évidemment, il peut paraître ambitieux de vouloir agir sur l'environnement. Quel logisticien a le pouvoir d'empêcher des grèves chez ses fournisseurs, de faire en sorte que les produits soient vendus selon un flux régulier, ou de diviser par trois les délais de livraison ?

Mais ça n'est pas à son niveau que doit être posé le problème. On conçoit, par exemple, que le dessinateur qui définit une vis de fixation, peut agir puissamment sur l'environnement logistique. S'il choisit une vis de dimensions standards, en acier, il permettra d'avoir un fournisseur dans le voisinage immédiat de chaque usine de consommation de cette vis, des délais courts et fiables et peut-être un stock de sécurité chez le fournisseur pour des livraisons urgentes. Si, au contraire, il n'a pas pris en compte cette donnée, et a défini une vis plus adaptée à des réductions de coût ou d'une performance supérieure à taille égale, il créera un environnement logistique défavorable.

Autre exemple : Si le processus et le produit sont définis à l'origine de manière à ce que la différentiation entre les différentes variantes commerciales puisse être faite le plus tard possible en production, on aura créé un environnement logistique favorable, en réduisant le niveau des encours, les temps de changement de références et donc l'utilisation de l'outil de production pour une capacité de réponse à la demande supérieure. Cela permettra également une excellente réactivité puisqu'il n'y aura plus que quelques opérations de finition à réaliser sur une base commune, pour satisfaire un client particulier. Ces exemples simples résultent de la prise en compte des principes énoncés au chapitre précédent. Reprenons les neuf principes énoncés au chapitre précédent, un à un, et voyons quel enseignement stratégique nous pouvons en tirer :


  1. Utiliser les données passées, qui ont l'avantage d'une certitude indiscutable, pour prendre les décisions concernant le futur

Les données passées doivent rester affectées à chaque référence produit, peut-être à chaque client, et non regroupées par mois, ou par année. Ces fichiers de données brutes sont une mine d'informations dont on ne sait avec certitude de quelle manière on les utilisera, et qui doivent donc rester archivés sous la forme la plus brute possible, quitte à ce que des données synthétiques existent en parallèle pour une utilisation particulière à un moment donné.
Elles doivent de plus être mises sous un format qui permette de les retravailler facilement en temps que données chiffrées et non sous forme texte ou .pdf, par exemple.
Un jour, on décidera de passer d'un mode de calcul mensuel à une fréquence hebdomadaire ou journalière. Ce jour-là, on sera content de pouvoir retrouver des données historiques enregistrées selon la même fréquence.
Un jour un des marchés disparaîtra, ou un autre apparaîtra. On sera content de pouvoir isoler la famille de données correspondante.
Associées aux données chiffrées devront être gardées en mémoire, celles concernant l'environnement dans lequel elles ont été enregistrées. Des valeurs de ventes apparemment faibles ont une signification moindre si la conjoncture du moment était une capacité de fourniture limitée et un stock disponible proche de zéro. Un changement de fournisseur peut se traduire par une modification des délais d'approvisionnement, ou une contrainte de quantité minimale de commande, qui peuvent expliquer de grosses différences dans les séries de chiffres enregistrées.



  1. Voir au-delà des chiffres que l'on traite statistiquement, ce qu'ils représentent

Lorsqu'on embauche un logisticien, mieux vaut porter son choix sur quelqu'un d'un métier proche, ou bien investir dans une formation terrain, dans les usines, les magasins, les fournisseurs, de manière à lui assurer cette connaissance précieuse des produits et services qu'il ou elle devra gérer. La gestion de la supply chain de produits laitiers suit des principes qui sont caducs si l'on passe à la gestion de la filière bois de charpente, et vice versa.

Un bon candidat sera souvent trouvé en interne, auprès d'une population de producteurs ou de vendeurs, auquel on proposera une formation spécifique à la logistique, puisque maintenant, elles sont légion. D'ailleurs, jusqu'à une époque récente, il n'existait pas de formations universitaires en logistique, et donc pas de logisticiens fraîchement diplômés dans cette discipline. Elles se sont développées avec l'augmentation du poids de ce métier dans un contexte de mondialisation, mais cela ne veut pas dire que la logistique était une fonction mal remplie auparavant dans les entreprises, en l'absence de logisticiens diplômés des universités. Taiichi Ohno en est un exemple célèbre, mais il y a eu de nombreux logisticiens, également pleins de bon sens, issus des autres métiers de base de l'entreprise, capable de mettre sur pied des systèmes parfaitement adaptés au contexte spécifique de leur activité, avec des moyens forcément limités par l'absence d'informatique.


  1. Il existe un lien étroit entre le niveau des stocks et la qualité de service

Voilà bien un sujet de conflit fréquent entre les métiers représentés dans une entreprise :
Les financiers voient le fond de roulement immobilisé dans les stocks et les en-cours. Ce cash est bloqué là, au lieu de pouvoir servir à autre chose. Tant qu'à ne pas s'en servir, mieux vaudrait peut-être l'avoir bien placé à la banque, et récupérer chaque année des intérêts, plutôt que de voir dormir ces marchandises de valeur, et devoir régulièrement les déprécier car pour différentes raisons qui leur échappent, font qu'elles ne sont plus commercialisables. Ils voudraient moins de stock. Ils ont raison.
Les qualiticiens voient là des produits stockés dans des conditions qui ne sont pas toujours compatibles avec leur durée de vie, leur robustesse, leur résistance aux intempéries, sujets à des risques de mélanges, ou non correctement gérés en FIFO (First In, First Out). Ils voudraient moins de produits en stock, et surtout moins en en-cours éparpillés tout au long de la chaîne de production, donc moins de risques. Ils ont raison. Les commerciaux voudraient des stocks bien garnis, bien assortis, à proximité immédiate des points de livraison pour assurer un délai minimal et un taux de satisfaction élevé aux clients. Ils veulent des stocks de produits complètement finis, emballés, customisés, et non des produits en cours d'élaboration, ou encore moins des matières premières dont personne ne peut garantir le délai de mise à disposition sous la forme la plus aboutie. Ils ont raison.

Les gens de production veulent des stocks de matières premières et de composants, leur permettant de lancer les fabrications lorsqu'ils le souhaitent, des en-cours de production leur permettant d'équilibrer des postes de travail ou des machines qui suivent des rythmes différents, sujets à des aléas d'origine et de durée différents. Ils veulent aussi des stocks de produits finis entre eux et les clients dont les caprices génèrent de fortes fluctuations de la demande. Ils ont raison.

Le logisticien veut contenter tout ce petit monde aux intérêts divergents. Il n'a pas le choix, mais comment faire ?

D'abord, il faut mettre tout le monde ensemble, autour d'une table ou dans le même séminaire de formation. Chacun doit recevoir le même message si l'on veut que les uns comprennent les contraintes des autres, et que tous travaillent ensemble à créer un environnement favorable au groupe.

Ces contraintes ne sont pas aussi incompatibles qu'il n'y paraît. Prenons un exemple simple : Une production et distribution de produits laitiers, livrables en emballages individuels, selon une gamme de plusieurs arômes différents. Supposons une date de péremption de trois semaines au-delà de la date de sortie des chaînes de production, une fluctuation de la demande journalière de +/- 50 % autour d'une moyenne correspondant à 75 % de la capacité maximale de l'usine. Ce pourrait être des yaourts, mais je n'y connais rien en yaourt, alors disons que c'est un cas d'école, peut être simplificateur, mais qui ne peut m'attirer les foudres des fabricants de produits laitiers.

Définition initiale du produit et du processus : Le pot est neutre (identique pour tous les parfums). Le couvercle en composite plastique-métal scellé porte les illustrations en couleurs destinées à les différencier, attirer le client, et des inscriptions diverses, dont la date limite de consommation. Les produits pourraient être emballés par quatre ou six. Peu importe, un tel emballage serait alors considéré comme une unité car on suppose qu'ils seraient tous les quatre ou six parfumés de même. Le parfum le moins vendu l'est à raison de cinq-cents par jour. Le plus vendu part, en moyenne, à raison de 50 000 par jour. Au total, c'est 200 000 produits par jour qui sont vendus (en moyenne)

Les emballages sont achetés et livrés à l'usine chaque semaine. La base laitière, commune à tous les parfums, est fabriquée par l'usine, à partir de lait et d'autres additifs, livrés selon la même cadence. Les différents parfums sont obtenus en y mélangeant des arômes artificiels achetés sous forme déshydratée. Le mélange est fait par lots correspondant à l'équivalent de deux jours de vente, sur plusieurs lignes de productions polyvalentes, mais il faut trois heures de nettoyage et réglages entre deux références différentes. Une machine de scellement des couvercles pré-imprimés est située en bout de chaque ligne, puis les produits sont stockés en moyenne trois jours, en attendant leur expédition chez dix clients différents. Ces clients sont les intermédiaires terminaux, chez lesquels, les consommateurs peuvent s'approvisionner.

Dans la situation initiale, cohérente avec ces données, et constituant un compromis entre les différents métiers, chaque distributeur a un stock d'environ deux jours de ventes de chaque référence, chaque matin après réception d'une camionnette en provenance de l'usine. Les jours de fortes ventes (+50 % par rapport à la moyenne), il lui en reste l'équivalent d'une demi-journée, le soir à la fermeture. Il est rassuré.

À l'usine, il y a chaque matin, trois jours de stock en moyenne, y compris ce qui vient d'être chargé dans les camionnettes. Donc, en moyenne, les produits ont déjà cinq jours d'âge à l'instant où ils sont mis en rayon, et doivent être vendus dans les deux semaines qui suivent.

Les lignes nécessitant trois heures de nettoyage entre chaque référence produite, nous perdons en moyenne une heure et demie de production effective par jour pour ce faire, puisque chaque référence est produite pour deux jours, tous les deux jours. Comme, en moyenne, les lignes tournent effectivement dix-huit heures par vingt-quatre heures (75 % de la capacité maxi), cela veut dire que 25 % de cette réserve capacitaire est déjà prise par les changements de références. Il ne reste plus qu'une possibilité de fluctuation de quatre heures et demie par jour, soit 25 % au-dessus de la moyenne. Mais ceci n'est qu'une moyenne. En effet, la référence vendue à raison de 50 000/jour est sans doute fabriquée en continu sur une ou plusieurs lignes, tandis que les références « exotiques » sont fabriquées tous les deux jours, mais pendant moins d'une heure. Toutes les lignes ne tournent pas avec le même rendement et, en moyenne une ligne ou deux, sont complètement arrêtées. C'est elles qui représentent ces 25 % de réserve. On négligera l'en-cours sur les lignes que l'on suppose travailler en continu, lorsqu'elles tournent.

En amont, il y a, en moyenne deux semaines de stock de chacun des ingrédients et emballages, fluctuant en fait, entre une semaine et demie (juste avant livraison), et deux semaines et demie (juste après).

Bilan : entre les fournisseurs de matières et le consommateur final, il y a cinq jours de produits finis et quatorze jours de constituants. Si ceux-ci coûtent 50 % de la valeur finale, cela fait, en tout l 'équivalent de douze jours de fond de roulement immobilisé.
Le financier n'est pas mécontent de ce compromis, mais régulièrement il doit émettre des notes de crédit au distributeur qui n'a pu vendre des produits avant leur date de péremption. Ce dernier donne des exemples précis de références « exotiques » qui lui sont arrivées déjà périmées, ou sur le point de l'être. Certains de ses magasins ne sont pas livrés selon l'assortiment complet des parfums. On leur À proposé des parfums standards en remplacement, mais ils n'en avaient pas la vente et ont dû les brader avant leur date de péremption. Bref, la clientèle est insatisfaite, et le qualiticien également, par voie de conséquence, puisque c'est lui qui reçoit toutes ces réclamations.

Le producteur perd beaucoup de temps en changements de références, surtout sur quelques lignes. Il a calculé que le vrai coût de ces produits « exotiques » est le double du prix de vente et qu'ils font perdre de l'argent à la société. De plus, n'ayant que 25 % de marge capacitaire totale, il lui arrive de ne pouvoir faire face à des pointes de saisonnalité si celles-ci durent plus de quelques jours, et encore, à condition que la surchauffe ait été anticipée, et le plan de production et d'approvisionnement en amont, ajusté à temps. En effet, le stock moyen de 3 jours, ne représente plus que deux jours lorsque les ventes atteignent 150 % de la moyenne. De plus il se vide chaque jour de 25 % du débit normal, c'est-à-dire 17 % du débit instantané, puisque la production n'est capable de faire que 125 % du flux moyen. En moins de deux semaines, il n'y a plus rien, en théorie. En pratique, certaines références se trouvent en rupture en quelques jours seulement.

Changer de paradigme : Les produits qui posent problème à tous sont donc ces références « exotiques ». Une analyse montre qu'en fait, si les quantités vendues sont aussi faibles, c'est qu'elles ne sont vendues chacune, que dans un seul ou deux magasins de cette chaîne, seulement. Les fluctuations de vente de ces magasins n'étant pas compensées par des fluctuations inverses des autres, l'usine voit cette demande faible, assortie de très fortes fluctuations journalières. La production qui a été lancée pour deux jours moyens de consommation, un ou deux jours auparavant, représente parfois deux ou trois semaines de ventes, dans les mauvaises périodes, entraînant des produits livrés, déjà périmés. Mais il arrive, à l'inverse, que la production d'un lot parte en totalité dès le lendemain. Le surlendemain, s'il y a une nouvelle demande, elle ne peut être satisfaite puisqu'on n'a pas encore relancé la fabrication de la référence en question. On comprend maintenant les mécanismes entraînant ces réclamations des clients.

Une solution est imaginée pour faire en sorte que l'on vende d'avantage de ces produits, et de manière plus régulière : On crée un nouvel emballage « Twin découverte » présentant ensemble un des produits phare, associé à un produit « exotique ». Tous les magasins sont incités à participer à l'opération, et le volume du produit le moins vendu passe immédiatement de cinq cents par jour à 3 000 par jour. La baisse sur les produits phare est insignifiante en proportion.

On change le processus de fabrication : Au lieu d'avoir des mélangeuses de grande capacité, on investit dans des machines de dosage de précision des arômes déshydratés dans les pots vides, puis immédiatement après cette opération, on injecte la base laitière chaude, on ferme et on scelle le couvercle marqué et correspondant à l'arôme contenu, puis tous les pots fermés passent sur une machine d'agitation à haute fréquence pour que le mélange se fasse à l'intérieur de manière homogène. Ensuite, les pots sont refroidis dans un tunnel, en continu. Le changement d'arôme et de couvercles en tête de ligne s'effectue en dix minutes seulement, nettoyage compris (produits secs). L'interruption momentanée du flux qui en résulte est un signal clair en bout de ligne pour signifier qu'il faut changer de palette de stockage des produits finis. Le nombre de ces nouvelles lignes est dimensionné de manière à ce que la capacité sur vingt-quatre heures corresponde à 150 % du besoin moyen.

On change le mode de réassort : l'usine reçoit chaque soir le nombre de produits vendus par les dix magasins, pour chaque référence catalogue. Ceci constitue le programme de production du lendemain. La même information est envoyée à l'imprimeur de couvercles, et au fournisseur d'arômes déshydratés, qui la traitent de même.
On opère chaque jour, en tout, autant de changements de références qu'il en a été vendu la veille, mais cela ne fait pas perdre beaucoup en capacité, qu'il y en ait peu ou la totalité de la gamme. L'imprimeur, lui, ne livre que les quantités demandées, chaque jour, et conserve un stock chez lui. Pour le dédommager de cet effort, on le paye comptant, chaque jour net au lieu de trente jours, fin de mois. On procède de même avec le fournisseur d'arômes.
Pas de changement pour les autres, qui livrent tous des constituants standards.

Bilan : on vend un peu plus de produits « exotiques », mais surtout on vend plus car on ne rate pas de vente pour cause de rupture de stock, et on rembourse moins. En effet, les produits périmés invendus ne sont pas remplacés par des produits frais, car les consommateurs ne les ayant pas pris, ne reviendront pas le lendemain au magasin pour acheter les frais. C'est pourquoi ces incidents se soldaient par des notes de crédit, et un manque à gagner. La satisfaction des clients se traduit par ricochet, sur leur attachement au produit. Les ventes augmentent encore en conséquence.
On peut réduire le stock à une journée seulement. En effet, si la production de chaque jour correspond au flux des ventes réel, référence par référence, la production effectuée peut être livrée en totalité le lendemain matin.
Dans les magasins, c'est la même chose : s'ils reçoivent chaque matin les références vendues l'avant veille, aux quantités près, ils n'ont pas besoin de plus d'une journée en stock.
Le stock total passe donc de cinq jours à deux jours, pour les produits finis, et est réduit d'environ 50 % pour les constituants qui ne représentent plus, en valeur, que quatre jours environ. Nous sommes passés de douze jours à six jours. Les frais financiers économisés sont reportés sur la réduction du délai de paiement des deux fournisseurs livrant chaque jour, donc l'opération est neutre, financièrement.
L'investissement supplémentaire est payé par la marge effectuée sur les volumes de vente supplémentaires, qui sont valorisés, en coût de production marginal, et génèrent donc un cash flow important.

Voilà un exemple montrant qu'il existe d'autres moyens que l'augmentation des stocks pour augmenter les ventes. Le commercial est content, tout en ayant trois fois moins de stock de produits finis qu'avant. Mais ceux qu'il a en stock, sont bien ceux dont il a besoin instantanément.

Sur l'exemple réel illustré ci-dessous, on voit bien que les ventes ne sont pas réellement affectées ou favorisées par un stock élevé en terme de taux de couverture. En d'autres termes, il n'y a pas de corrélation directe entre le niveau de stock et les ventes possibles, au-delà d'un certain niveau défini au chapitre 2. Il faudrait descendre bien plus bas pour commencer à voir un effet négatif. Sur l'exemple concerné, cela se passe en dessous de deux semaines. Il s'agit là d'un cas réel où les fluctuations de ventes hebdomadaires étaient caractérisées par un rapport de 1 à 10, et le délai de réapprovisionnement oscillait entre quatre et huit semaines, avec plusieurs livraisons mensuelles.

Il existe bien un lien entre le niveau des stocks et la qualité de service, mais le mot important dans cette phrase est celui qui est souligné. C'est du stock de chaque référence dont on parle, et non du niveau global vu par le financier. Si chaque référence est stockée selon le bon niveau, différent pour chacune en proportion, alors en effet, la qualité de service sera meilleure, et cela se retrouvera tôt ou tard sur le niveau des ventes global. Mais, globalement, on aura sans doute moins de stock que celui qui serait nécessaire si l'on voulait avoir le même taux de couverture partout.


  1. La détermination d'un objectif de stock en nombre de rotations par an n'a de sens que globalement

L'exemple précédent était une exception à cette règle, qu'il était intéressant d'identifier. En effet, lorsque la durée de péremption est très courte, cette limite s'impose comme la première considération à prendre en compte dans la durée maximale de séjour en stock, devant toute autre. Mais dans la plupart des cas, il est possible de conserver les produits dans de bonnes conditions, pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. La durée maximale à prendre alors en compte est dictée par des considérations financières ou d'espace disponible.

Dès que l'on a déterminé une telle limite d'espace ou de fond de roulement que l'on est prêt à immobiliser pour du stockage, il reste à décider comment l'utiliser. Comme la limite maximale de fond de roulement est toujours exprimée en équivalent jours de chiffre d'affaire, c'est par extension que la facilité nous fait souvent transformer cette contrainte en une sécurité de couverture des ventes de produits, en jours, semaines ou mois, ou bien en nombre de rotations de ce stock par an. Et c'est encore par facilité que l'on applique cette tolérance à chaque référence produit, pensant que si elle est respectée pour chacune, elle le sera pour le tout.

Il faut s'habituer à l'expression des objectifs de stock en terme d'unités de produits. Ainsi, on se pose ensuite les bonnes questions. Le magasinier qui sert le client aval n'a pas forcément la perception de ce que sont les ventes moyennes hebdomadaires de chacune des références, en particulier de celles qui sont vendues épisodiquement. Il ne peut donc percevoir la pertinence d'une consigne de stockage mini de X semaines, par rapport aux quantités qu'il a l'habitude de servir. Si par contre, on lui exprime cette quantité en unités de produits, il fera immédiatement le lien, et se souviendra que jamais il a eu à faire face à une telle demande sur tel ou tel produit, à l'intérieur d'un délai de réapprovisionnement, ou au contraire, qu'il lui est arrivé souvent de n'en avoir pas suffisamment. Il sera plus critique et saura proposer des améliorations ciblées. Par exemple, à chaque fois qu'il recevra une demande pour une dizaine de produits de telle référence rarement vendue, et que dans son stock, il n'en aura pas suffisamment pour la satisfaire, cela lui restera en mémoire comme un dysfonctionnement pourtant facile à surmonter. En effet, cinq ou quinze produits de ce type ne font pas beaucoup de différence sur la quantité totale en stock, mais personne ne s'était soucié d'un manque de dix produits, représentant une quantité négligeable sur le total qui, seul, intéresse les managers. Par contre, ça fait un client content, ou mécontent, même si ce client a pu être servi des milliers d'autres produits dont il avait besoin.


  1. Le stock qui permet d'assurer un même OTD pour chaque référence est fonction de la fluctuation des ventes et de l'approvisionnement, du délai de réactivité de cet approvisionnement, et de l'OTD choisi

De manière moins subjective, la consigne de stockage aurait pu être déterminée avec le même bon sens que celui dont notre magasinier a fait preuve, par le calcul.

En effet, il n'y a pas que le financier ayant des contraintes de fond de roulement, ou le responsable des services généraux, ayant des contraintes d'espace disponible, dont il faut écouter les doléances.

Ceux qu'il faut écouter en priorité sont les clients.

Le délai de livraison et L'OTD sont des indicateurs qui permettent de synthétiser les besoins du client. Le premier n'est d'ailleurs pas le plus important lorsque le client est livré chaque jour. Qu'il soit alors livré d'une quantité commandée la veille ou deux semaines auparavant, ce qui lui importe alors, est de recevoir chaque jour un assortiment de produits correspondant à sa consommation ou à ses ventes propres. Mais, même dans le cas général, on l'a vu au chapitre 2, le délai n'intervient qu'à la puissance ½, alors que l'OTD intervient selon une fonction croissante.

L'OTD ne doit pas être choisi arbitrairement, mais déterminé avec bon sens. Si le client a lui-même du stock, l'OTD peut être plus faible que s'il consomme directement les produits qu'il achète. Si des modes de production et livraison exceptionnels existent pour des quantités marginales, là aussi, on peut dégrader l'OTD courant et organiser, sans frais pour le client, une livraison urgente pour les quelques produits manquants. Puisque l'écart par rapport à 100 % peut être connu dès le départ de l'entrepôt, cette procédure peut être déclenchée immédiatement, sans attendre la réclamation du client et, pour peu que le moyen de transport utilisé alors (avion par exemple), soit plus rapide que le moyen standard, il se peut que les produits manquant arrivent finalement avant les autres chez le client, qui considérera, lui, que le contrat est rempli à 100 %. De telles dispositions coûtent cher, mais toujours moins cher qu'un ou deux points d'OTD supplémentaires au départ du stock, et leur conséquence sur les stocks et les investissements en production, tout au long de l'année.

Le facteur contributif principal à la détermination d'un stock, en dehors de l'OTD, est la fluctuation de la demande. Dans ce domaine, chaque client n'est qu'un élément du problème. Les fluctuations sont le résultat de l'addition d'une multitude de phénomènes sur lesquels chaque client n'aura que peu de moyens d'agir (météorologie, loi des grands nombres, erreurs ou comportements humains parasites, tout au long de la chaîne aval). Il faut s'en accommoder, dans la plupart des cas. Par contre, il faut en avoir connaissance, et surtout, en avoir enregistré les éléments historiques selon la même durée d'intégration que celui donné par la fréquence de remise à jour des expressions de besoin, tout au long de la chaîne amont (voir § 7 plus loin).


  1. Se méfier des flux croissant ou décroissant sensiblement

Parlant de mise à jour des données pour la chaîne amont, nous en arrivons à sa réactivité. Une bonne supply chain est une chaîne réactive. Nous sommes heureux, lorsque nous rentrons chez nous le soir, après une dure journée, d'appuyer sur l'interrupteur de l'entrée et d'avoir immédiatement de la lumière. Il n'y a pas si longtemps, nos ancêtres devaient d'abord trouver la bougie dans le noir, les allumettes, et espérer que la première ne sera pas humide... Nous sommes déjà moins heureux lorsque l'eau arrive chaude à la pomme de douche alors qu'il est déjà temps de passer à autre chose. Si la production a toujours un train de retard par rapport à l'histoire, ça ne peut pas faire des clients heureux. À commencer par les clients internes qui se trouvent entre elle et le consommateur final.

Mais la production a bon dos. Il faut d'abord en connaître les contraintes et les intégrer dans le processus d'information. C'est comme pour l'eau chaude de la douche : Il faut un certain temps pour amener une quantité d'eau à la température de 38 °C, partant d'une température de 20 °C et d'une puissance donnée. C'est James Joule qui l'a dit, pas moi, mais ça n'a pas changé d'une seconde depuis le XIXe siècle. Si l'on a oublié de brancher le chauffe-eau la veille, nous devrons partir travailler sans avoir pris de douche, ou bien rester sur une insatisfaction d'avoir dû prendre une douche froide, mais on ne peut s'en prendre qu'à nous-même, pas au chauffe-eau dont on connaît parfaitement le mode de fonctionnement.

Il faut donc se donner les moyens de prévisions fiables et savoir les éclater en prévisions de détail, utilisables par les acteurs amont, en tenant compte de leurs délais de réaction incompressibles. Il faut également un suivi fréquent, objectif et détaillé, de ce qui se passe vraiment ensuite, afin de pouvoir mettre à jour tout le système d'information en temps réel. Ici, on parle de réalités, pas d'interprétation. Il faut bannir les « ventes non conformes aux prévisions, mais c'est temporaire, ça va s'arranger ». Les chiffres futurs diront bien si ça s'est effectivement arrangé, et les méthodes statistiques sauront isoler les phénomènes anormaux qui ne seront, finalement, pris en considération qu'avec une pondération diminuée.

Lorsque, par contre, une tendance significative se dessinera, il faudra réagir en amont. En priorité, il faudra réagir sur l'approvisionnement et la production, selon le même gradient de progression ou de baisse que celui observé en aval. Surtout pas en priorité sur les stocks. Cela ne ferait qu'amplifier le gradient perçu par l'amont, et conduirait à des surinvestissements, des adaptations inadéquates, et une baisse immédiate de la qualité de service. En général, lorsqu'une tendance haussière ou baissière s'établit, c'est avec peu de variations. C'est plutôt lorsque le flux est globalement stable qu'il est le plus sensible aux événements perturbateurs. Par exemple, lorsque les crédits bancaires baissent, les projets de construction pavillonnaire augmentent. La demande augmente de manière très affirmée, sans sautes d'humeur. Ceux qui avaient déjà un projet prêt sautent sur l'aubaine pour démarrer les premiers, ensuite, ceux qui avaient déjà un apport personnel, dessinent un projet puis le lancent, décalés par rapport aux premiers, enfin les derniers, n'ayant de prêt ni l'un, ni l'autre, mettent un peu plus de temps pour sonner à la porte de la banque. Mais en toile de fond, les constructeurs se trouvent vite dépassés, et constituent des files d'attente, en même temps qu'ils adaptent leurs structures pour faire face à la demande. Ces files d'attente sont très efficaces pour lisser la courbe de croissance.

Par contre, en régime de croisière, un hiver froid bloque les maçons et gèle la demande de matériaux pendant ce temps, une hausse annoncée des prix de matières premières incite à remplir des stocks. Tout ceci se traduit par des fluctuations importantes de la demande en valeur relative.

Si nos stocks ont été correctement dimensionnés selon les règles énoncées au chapitre 2, c'est-à-dire en proportion des fluctuations en valeurs absolues observées en période de stabilité, il y toutes les chances qu'ils suffisent amplement pour passer confortablement la période de hausse, même si, momentanément, ils représentent moins en terme de taux de couverture qu'initialement. Par contre, lorsqu'un nouveau seuil de flux plus élevé sera atteint, il est probable qu'alors, ils soient insuffisants car les fluctuations reprendront leur valeur relative initiale. Mais alors, la capacité en amont pourra être maintenue en croissance quelque temps supplémentaire, afin de provoquer un excédent, le temps nécessaire à l'atteinte de la nouvelle consigne.


  1. Lancer les processus de mesure, les calculs et les approvisionnements à une fréquence élevée

Lorsque j'étais au Japon, au début des années quatrevingt, j'avais été frappé par l'absence de camions dans un pays alors réputé pour son dynamisme industriel et son très puissant secteur secondaire, arrosant la planète de motos, appareils photo, montres, voitures, appareils électroniques de toutes sortes. Or, rien en comparaison de ce que l'on croisait sur les routes et dans les villes d'Europe. Ayant fait part de ma surprise à mon collègue japonais, celui-ci m'expliqua que les transferts de marchandises d'une usine à l'autre, ou vers les entrepôts s'effectuaient chaque jour, au pire, tous les cinq jours, à l'aide de petits combis ou camionnettes, chargés à la main de petits contenants, et non de palettes. Je trouvais alors le procédé terriblement énergivore, complexe et coûteux, et n'en compris l'intérêt que plus tard.

Pourtant, j'avais fait des études d'automatique, avais développé moi-même des cartes de commande en logique électronique, et j'aurais dû faire le lien, en me souvenant qu'en matière d'asservissement, il faut piloter la chaîne de transférométrie par un signal d'horloge cadencé à haute fréquence si l'on recherche la minimisation des temps de réponse, tout en évitant de rentrer en régime oscillatoire. Tout ceci peut paraître loin de la logistique, et pourtant...

La logistique est l'art d'asservir des flux par rapport à un besoin s'exprimant en unités de produits par unité de temps. La seule différence par rapport à l'asservissement d'une grandeur analogique (courant, débit), est qu'il s'agit de quantités discrètes (unités, cartons de produits, palettes...). Mais lorsqu'on est en face de grandes quantités, les problèmes se confondent.

Puisque l'on sait très bien résoudre les problèmes d'asservissement dans le cas de variables analogiques, essayons de rapprocher le plus possible la problématique de ce cas de figure. En termes stratégiques, cela commence par la dimension des conditionnements. Il est évident que si l'unité d'oeuvre est le container de quarantequatre pieds, le nombre d'unités traitées dans un intervalle de temps élémentaire sera faible, voire inférieur à un, si l'intervalle de temps est trop petit. Alors, c'est l'intervalle de temps élémentaire qui devra être adapté au flux de containers. Il sera choisi de manière suffisamment grand pour que l'on puisse y quantifier, à l'intérieur, un nombre variable de containers, définissant les variations de flux avec une résolution assez fine : Au moins une trentaine d'unités par intervalle de temps. Celui-ci deviendra alors le temps de réponse élémentaire du système, et si la chaîne logistique est longue, sa réactivité entre l'amont et l'aval, s'exprimera selon plusieurs unités élémentaires de temps. De nos jours, la réactivité attendue d'une supply chain s'exprime en heures ou en jours. Ce temps de réponse devra représenter plusieurs intervalles de temps. Le flux sera exprimé par df/dt, et si l'on veut apprécier les différentes valeurs prises par df avec une discrimination suffisante entre elles, il faudra que l'intervalle de temps puisse voir passer plusieurs dizaines d'unités. Le conditionnement et l'unité de manutention minimale seront la conséquence de ce calcul.

Ensuite, les mises à jour des données, les calculs de besoin, et l'information aux acteurs de la chaîne devront être cadencés selon ce rythme. Cela fera le plus souvent appel à l'informatique, aux écrans digitaux d'information, aux transmissions automatique par internet. Stratégiquement, cela doit être pensé dès la conception du système, négocié avec les clients et les fournisseurs, car cela a des répercussions sur les investissements, les supports d'information, les horaires de travail, et même juridique si l'on va jusqu'à la suppression des commandes papier traditionnelles, devant être revêtues de la signature de deux ou trois responsables.


  1. Préférer les systèmes de réapprovisionnement en flux tiré

On a vu pourquoi au chapitre 3, de même que la façon de le faire, théoriquement. Passons à la pratique et aux conséquences que cela peut avoir sur les décisions stratégiques. Nous venons de voir que d'autres considérations imposent l'usage de l'informatique pour être satisfaites (définition du stock idéal, fréquence élevée des échanges de données et de calcul). Nous écarterons donc d'entrée le vieux kanban de Monsieur Ohno - Avec nostalgie, je dois dire, tellement je trouve ce système admirable par sa simplicité et son efficacité. Merci néanmoins Monsieur Ohno d'avoir ouvert nos esprits à autant de bon sens. Vous n'avez pas connu l'informatique moderne, mais dans un sens, tant mieux pour vous qui auriez été effaré de voir comme les hommes ont pris plaisir à se compliquer la vie avec un outil destiné à la leur simplifier.

Nous préférerons donc quand même l'ordinateur, travaillant sur les mêmes données pour fournir des prévisions, calculer des stocks, gérer toutes les informations de mouvements et de modifications de l'environnement, en temps réel, associé à des systèmes de saisies par lecteurs codes barres, capteurs divers, transmissions automatisées par internet, et quelques entrées manuelles quand même.

Un système d'approvisionnement en flux tiré suppose que les données de base viennent de l'aval. Lorsqu'un seul client est en aval, c'est assez simple. Lorsqu'ils sont nombreux, c'est plus difficile. C'est surtout plus difficile si l'on souhaite recevoir ces données de manière numérisée, selon un format standard permettant de les compiler, de les ordonner. C'est encore plus difficile si les clients sont extérieurs à la compagnie et qu'on ne peut leur imposer ce standard.

Il faut donc un système de collecte des consommations en aval ou chez les clients qui soit compatible avec les logiciels informatiques communs. Le plus commun des logiciels est le tableur commun aux environnements Microsoft et Apple. Il est justement tout à fait adapté à la collecte d'informations quantitatives, interfaçable avec tous les logiciels ERP et de comptabilité spécialisés, et permettant de conserver des données brutes pour les traiter ensuite par des calculs paramétrables à souhait. Des développements plus sophistiqués peuvent être faits au moyen de programmes d'emploi accessible à des informaticiens de niveau élémentaire. C'est donc un bon support dont les fichiers peuvent être envoyés facilement par internet, ou partagés sur un réseau intra entreprise. Sa mise à jour peut être ouverte à des personnes définies au préalable, tout en restant en accès « lecture seule » pour d'autres non habilitées.

Après avoir envisagé l'outil de traitement et de communication des données, on pourra se pencher sur les outils de collectes du flux réel en sortie aval, par exemple. Ici, chaque cas est différent mais les systèmes de codebarres ou « datamatrix » permettent de saisir facilement des références, y associer une date et une heure, une quantité (entrée manuelle) ou de lire le code de chaque produit en automatique, et obtenir ainsi cette quantité par comptage unitaire. On peut lire des codes barres apposés sur les emballages des produits, imprimés directement sur les produits (jet d'encre), ou sur des documents papier. Ainsi, un bon de livraison peut rappeler le code-barres de chaque référence, et l'on peut saisir au moyen d'un lecteur manuel, les références livrées, puis, manuellement la quantité.

Tous ces dispositifs, associés à un système en flux tiré, doivent bien sûr constituer un ensemble cohérent, répondant aux objectifs que l'on définira en fonction des informations que l'on souhaite utiliser dans les calculs récurrents, et au titre de l'archivage de données. On ne peut décider de passer d'un flux poussé à un flux tiré, sans avoir fait au préalable ce travail de réflexion, les investissements et la communication qui s'y rapportent.


  1. Réduire les délais

On l'a vu au chapitre 2, le délai a un impact non négligeable dans la détermination des stocks, et par extension, sur le taux de service vers l'aval (OTD). Même avant d'avoir lu ce livre, vous en aviez vraisemblablement conscience. J'ai même souvent entendu dire : « Si le délai est de deux mois, il nous faut plus de deux mois de stock ». Bien sûr, on l'a vu aussi, cette conclusion hâtive est erronée puisqu'on peut très bien être livré chaque semaine de produits que l'on a commandés deux mois plus tôt, chaque semaine également. Il ne faut pas confondre délai et fréquence de livraison.

Cependant, lorsque les délais sont longs, une variation relative de +/- 20 % autour de ce délai, représente beaucoup en valeur absolue. Si, par exemple on base notre système sur une réception chaque semaine de produits commandés deux mois plus tôt, on peut couramment être confronté à une livraison retardée de une ou deux semaines, cassant complètement le rythme des réceptions, sur lequel on a dimensionné notre stock.

Or, c'est justement une propriété des délais longs, d'être mal respectés. En effet, c'est rarement le temps nécessaire à l'élaboration d'un produit ou d'un sous-produit qui conditionne un tel délai, mais une succession d'opérations effectuées en des endroits différents, par des sociétés différentes, sur lesquelles le fournisseur a d'autant moins de pouvoir, qu'elles sont éloignées de lui vers l'amont. Il y a des files d'attente à chaque étape, des passe-droits et des aléas difficilement prévisibles, qui rendent le résultat peu fiable.

Plus les délais seront courts et plus les variations seront faibles en valeur absolue, et même en valeur relative. C'est ce que l'on observera de la part d'un fournisseur maîtrisant entièrement le processus d'élaboration de ses produits, même si celui-ci est assez long, techniquement.

Jusque-là, vous êtes toujours d'accord, je suppose, car vous considérez que ce sont des évidences. Et bien, pourquoi ne pas pousser la logique plus loin ?

Un fournisseur maîtrisant l'ensemble du processus de ce qu'il fabrique est un fournisseur avec lequel on aime travailler car il offre des délais courts et fiables, il maîtrise la qualité de ce qu'il produit, et ne fait qu'une seule fois une marge entre son coût de revient et son prix de vente. De plus, il absorbe ses frais fixes sur une quantité importante d'activités. Ce fournisseur a donc toutes les chances d'être compétitif. Faisons de même.

En intégrant verticalement les opérations spécifiques à notre produit, nous aurons des délais nuls ou presque, entre la réalisation des opérations amont, et celles situées à l'aval, plus de stock à constituer à ce niveau, et chez nous les avantages qu'aurait eu ce fournisseur complètement intégré, avec des effets encore augmentés.

Plusieurs constructeurs automobiles et d'avions l'ont bien compris, hébergeant sur leur site principal d'assemblage, leurs principaux fournisseurs qui travaillent avec eux comme travaillerait un atelier faisant partie de leur propre structure. Ils ne sont pas complètement intégrés, en ce sens que les fournisseurs restent juridiquement indépendants. Ceci s'explique par des considérations sociales et historiques, mais le résultat est à peu près le même.

Le meilleur moyen de réduire les délais, est d'intégrer verticalement l'ensemble du processus spécifique à l'élaboration du produit.

Bien sûr, le bon sens nous interdira d'intégrer des métiers sortant complètement du champ d'activité, comme la sidérurgie lourde si l'on fabrique des lames de rasoir, ou l'élevage de bovins si l'on fabrique des produits laitiers. Mais ces activités, communes à beaucoup d'autres industries ou services ne sont pas celles sur lesquelles les délais sont les plus pénalisants. En effet, remontant la supply chain vers la source, on trouve de plus en plus de sous produits communs et standards, stockés chez les fabricants en grandes quantités puisque la vente est assurée ici ou là. Les délais seront donc souvent uniquement fonction des délais de préparation, conditionnement et transport.

Il peut être difficile de bâtir une entreprise offrant simultanément toutes les situations optimales pour la logistique, en terme de définition des produits, des processus, de relations avec ses clients et entre services, dotée des meilleures structures en terme de ressources humaines, d'informatique et de communication, intégrant le plus loin possible en amont, les métiers qui lui sont spécifiques... Mais il est important d'avoir identifié ces situations optimales, de les avoir classées par ordre d'importance dans l'application à une activité précise, et de construire un plan stratégique permettant d'en réunir progressivement un maximum. On l'a vu sur l'exemple développé au § 3, une telle optimisation logistique est bénéfique à d'autres secteurs. Et même si cet exemple est virtuel, j'en ai connu d'autres plus concrets qui auraient bien illustré mon propos également. J'ai choisi un cas d'école imaginaire car avec un seul cas, on peut illustrer plusieurs situations qui, dans la pratique, se retrouvent effectivement, mais dans des entreprises différentes et à des moments différents. L'entreprise idéale n'existe pas, mais elle doit rester un objectif bien défini, dont on s'efforcera de se rapprocher, tant que faire se peut.


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