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Magazine FLOW n° 24 - Le Cluster à la rencontre des ports belges

LE PORT D’ANVERS

A Anvers, nous sommes accueillis par Danny Deckers, Rose-Marie Pype et Kris de Craene ; ce dernier nous présentant plus spécifiquement la politique environnementale du Port d’Anvers.


  • Données techniques

Le port d’Anvers se situe sur l’Escaut et est borné au sud par la ville d’Anvers et au nord par la frontière néerlandaise. Grâce notamment au creusement (encore récemment) de nouveaux bassins, il continue à développer ses quais (actuellement 151 km), et à augmenter son emprise foncière utile (13.057 ha de superficie accueillant 900 entreprises) : cela lui permet de se positionner comme un important centre d’activités logistiques (5,5 millions de m2 d’entrepôts couverts, notamment marchandises dangereuses et frigorifiques), et industrielles (plus grand complexe chimique et pétrochimique européen, premier port européen pour l’acier).

D’importants investissements sont en cours :
- Zone de développement de Saeftinghe de 1.000 ha, multifonctionnelle (industrie, services maritimes et logistiques et probablement bassin à caractère multimodal) ;
- Construction d’une 2ème écluse rive gauche (340 M€ dont 160 financés par la BEI) qui sera la plus grande au monde (500 mètres / 68 mètres / 17,80 mètres) et permettra aux navires d’atteindre une heure plus tôt les bassins portuaires de la rive gauche, qui pourra ainsi être développée.


  • Une intense valorisation des trafics conteneurisés et le renforcement constant de la filière (pétro)chimique

Anvers se positionne comme un port polyvalent, combinant activités de transbordement, industrielles et logistiques. Il a traité, en 2011, 187 millions de tonnes de marchandises, ce qui le positionne au deuxième rang européen, dont 105 millions de tonnes de fret conteneurisé (8,7 millions d’EVP), 46 millions de tonnes de vracs liquides, 19 millions de tonnes de vracs secs et 12,7 millions de tonnes de breakbulk auxquels s’ajoutent 4, 2 millions de tonnes de Ro-Ro.


2ème port européen de conteneurs

Le port à conteneurs d’Anvers enregistre la croissance la plus rapide de tout le Nord-ouest européen en s’appuyant sur 5 terminaux (mais à 80 % PSA... ) ayant une capacité totale de traitement de 14 MT, grâce notamment à la darse de Deurganckdok, et une productivité moyenne mise en avant de l’ordre de 40 mouvements à l’heure par portique, qui pourrait encore être renforcée par l’expérimentation d’un terminal totalement automatisé. Grâce au récent dragage de l’Escaut, les plus gros porte-conteneurs (tirant d’eau maximum de 16 mètres) sont, de plus, désormais en mesure d’y escaler. Il est prévu en outre la construction d’un nouveau terminal à conteneurs dans la nouvelle zone en développement ‘Saeftinghe’.


Vracs : développer les synergies entre production et logistique

La chimie : « le produit fini d’une entreprise est souvent une matière première pour une autre »
Anvers traite 46 Mt de vracs liquides, dont la moitié de pétrole brut. La position géographique d’Anvers (60 % du pouvoir d’achat européen à moins de 500 km), et sa bonne accessibilité par divers modes de transport (dont pipelines : importante plaque tournante dans le réseau de gazoducs en Europe occidentale), en ont fait, au lendemain de la seconde guerre mondiale, un site très prisé pour la distribution à l’échelle européenne et internationale des grands chargeurs, mais aussi pour des implantations industrielles. Avec 7 des 10 plus grandes entreprises chimiques internationales ayant un site de production à Anvers, le port peut s’enorgueillir d’être le premier complexe pétrochimique d’Europe par son poids et sa diversité : n°1 européen pour l’éthylène et le propylène, plus de 300 produits chimiques différents y sont produits. A ce titre, il bénéficie des emplois (42 % des emplois directs à Anvers) et des investissements importants générés par cette industrie1.
Le port approvisionne en matières premières par voie maritime, par rail, barge et par pipeline, quatre raffineries et quatre crackers à vapeur sachant que sur le site portuaire, les entreprises du cluster (pétro)chimique sont aussi interconnectées via plus de 350 km de pipelines qui transportent 100 produits différents (pétrole, acétone, ammoniaque, butadiène, phénol, carburants, azote, hydrogène…), correspondant à 88% des flux industriels.



La coopération étroite entre les compagnies de produits chimiques, mais aussi entre les entreprises de produits chimiques et les entreprises de logistique, joue un rôle-clef dans la compétitivité de la place d’Anvers en matière de production et de manutention des produits chimiques, qu’ils soient sous forme de gaz, liquides, pétroliers, poudres, plastiques, vrac ou conditionnés.

Nos interlocuteurs mettent ainsi en avant l’offre diversifiée des manutentionnaires spécialisés - 14 sites indépendants de stockage en citerne (1.500 citernes inoxydables, soit 5 millions de m³ de stockage pour du vrac liquide et gazeux) - ou celle des terminaux multi-clients qui proposent plus de 1.250 silos pour plastiques (390.000 m3) auxquels s’ajoutent 650.000 m2 d’entrepôts pour matières dangereuses assurant le conditionnement, le mélange, l’entreposage et le stockage de produits chimiques emballés ainsi que des services à valeur ajoutée tels que, par exemple pour les plastiques, dé-métallisation, dépoussiérage, désodorisation, mixage, moulage, tamisage, tri, contrôle de qualité…

La collaboration entre entités de production dépasse le simple niveau de la production (et de son optimisation), et porte aussi sur l’usage commun des installations d’épuration des eaux et de traitement des déchets, favorisant les économies d’échelle et la moindre consommation d’espace.

En matière de vracs secs, cinq terminaux spécialisés proposent une capacité de 1,43 millions m² de stockage ouvert et fermé, et pourraient traiter (manutention, conditionnement, tri, ensachage et micronisation) jusqu’à 40 MT de charbons et minerais, cokes, concentrés, ciment, blé et malt, engrais, kaolin, minéraux en provenance d’ Afrique du Sud, Russie, Algérie, Amérique du Nord, ...

Marchandises diverses : un port polyvalent offrant des services à haute valeur ajoutée

Une dizaine de terminaux multimodaux spécialisés traitent des marchandises diverses à Anvers, qui ont représenté en 2011 près de 17 millions de tonnes d’acier, de produits forestiers, de fruits, de Ro-Ro et de colis lourds.

Avec 8,4 millions de tonnes transbordés en 2011, sous diverses formes, Anvers se positionne comme le premier port européen pour l’acier, et voit croître les importations en provenance de Russie, Inde et Chine. Certains de ses terminaux offrent en plus des services à valeur ajoutée pour la marchandise comme, par exemple, le terminal All Weather, où barges et caboteurs peuvent être chargés et déchargés sous couvert ou des centres de service pour la manutention et la coupe, emballage et refendage d’acier.

Grâce notamment aux équipements disponibles pour le stockage des denrées périssables (230.000 m² pour les produits réfrigérés ou congelés ; 6.600 prises pour conteneurs réfrigérés) et aux services proposés par les opérateurs de terminaux (entrepôts frigorifiques automatisés ; services à valeur ajoutée comme le mûrissement) le port a vu transiter, en 2011, 1,35 millions de tonnes de produits fruitiers (hors conteneurs) et est, par exemple, le premier port bananier au monde. A partir du 1er janvier, tous les contrôles ont été centralisés au poste d’inspection frontalier de la rive gauche.
Il est aussi le premier port d’importation au monde pour le café, avec l’empotage et dépotage, stockage, ensachage, mélange, pesage, contrôle de qualité de près de 450.000 tonnes de café, soit 58,5 milliards de tasses !

En termes de Ro-Ro voitures (+ 14 % par rapport à 2010), Anvers est le port d’attache européen de marques telles que Fiat, Ford, Opel, BMW, Renault, Mazda, Hyundai, Chevrolet et KIA. Le trafic de voitures a atteint presque 1,1 million d’unités en 2011. Les terminaux spécialisés, comme à Zeebrugge, réalisent le stockage mais aussi des prestations (PDI) comme la personnalisation (montage d’accessoires), les réparations, lavage/ décoconage / peinture, etc. dans les centres de traitement des véhicules, avant livraison sur le marché local, et même de carrossier pour véhicules utilitaires (‘second stage manufacturer’).

1,1 million de tonnes de produits forestiers est passé par Anvers en 2011 : papier, pulpe, bois, bois sciés, contreplaqué...


  • Le report modal

Chaque jour, transitent par le port 45 navires maritimes, 168 barges et 220 trains de marchandises. Le degré de congestion routière aux abords du port l’a amené dès 2008 à développer le concept d’extended gateway dont la meilleure illustration est, selon Kris de Craene, Duisbourg qui reçoit 100 Mt par 52 lignes de train alimentées par les ports du Nord.

En 2011, l’Administration portuaire a mis en place une cellule spéciale pour faciliter le développement de nouvelles solutions intermodales, l’optimisation des processus intégrés, dans et autour du port, et garantir des prestations de qualité. Elle se voit comme « un facilitateur, qui fait des études de marché, va voir les chargeurs pour recenser les trafics possibles afin, par exemple, d’aider à la réalisation de trains complets. »

 Répartition modale pré/post acheminements en 2010 (Port d'Anvers)

En ce qui concerne le transport des conteneurs : 56 % sont acheminés par la route, 34 % par barges et 16 % par le rail.

D’importants investissements dans le mode ferroviaire

Le port d’Anvers est au centre des trois principaux corridors ferroviaires en Europe :

  • Corridor 1 : Anvers - Duisburg - Cologne - Bâle – Gênes ;
  • Corridor 2 : Anvers - Luxembourg - Lyon / Strasbourg – Bâle ;
  • Corridor 5: Anvers - Duisburg - Pologne – Lituanie.

Plus de 24 millions de tonnes de marchandises (en majorité des conteneurs désormais) sont transportés par chemin de fer chaque année. BASF a un hub ferroviaire sur ses 600 ha mais l’ouvre à d’autres chargeurs. Tous les terminaux sont connectés au rail (1.055 km de voies ferrées à l’intérieur du port) et, chaque semaine, plus de 200 trains-navettes pour conteneurs desservent 70 destinations dans l’hinterland européen. Nos interlocuteurs mettent aussi en avant la nouvelle liaison qui relie la Chine en 22 jours seulement.

L’Administration portuaire souhaite accroître la part du transport par chemin de fer de 11% à 15% en 2020. Pour cela, en collaboration avec un certain nombre de manutentionnaires, elle a par exemple lancé le projet AIS (Anvers Solutions Intermodales) en 2009-2010. AIS est une collaboration dans laquelle les volumes de fret existants sont regroupés puis acheminés dans l’hinterland. Les opérateurs ferroviaires sont en mesure de soumissionner sur les volumes regroupés des expéditeurs et des prestataires de services 3PL. En 2010, ce système a permis l’ouverture de huit liaisons ferroviaires supplémentaires. Anvers réalise aussi d’importants investissements : afin d’optimiser la liaison ferroviaire entre les rives gauche et droite, un tunnel de chemin de fer est construit sous l’Escaut à Liefkenshoek. Il s’agit d’un tracé à double voie de 16,2 km de long, reliant le Bundel Zuid à la gare de formation d’Anvers Nord en passant au-dessous du Waaslandkanaal, de l’Escaut et du Kanaaldok. Pour la section sous l’Escaut et le Kanaaldok, il est nécessaire de creuser deux tunnels parallèles à voie unique de 6 km chacun. Cette nouvelle infrastructure doit permettre de réduire considérablement les temps de trajet entre les deux rives et d’accroître la capacité du réseau ferroviaire dans et autour du port de 35%. Cela permettra également aux liens entre le port et l’arrière-pays de fonctionner plus efficacement.

Une forte utilisation des TIC pour fluidifier un mode fluvial de plus en plus sollicité

Près de 40% du transport vers et depuis le port d’Anvers est réalisé par barge. L’Administration portuaire vise à augmenter cette proportion à 43% d’ici 2020. Il y a plus de 200 navettes de conteneurs par semaine à partir de et vers 67 destinations en Europe. La région de la Ruhr (Duisbourg) peut être atteinte en environ 20 heures, la zone mi-Rhin (Ludwigshafen, Mannheim) dans les 48 heures et la Suisse dans les 72 heures. Les délais de livraison pour atteindre le nord de la France sont de 24 à 36 heures (300.000 EVP sur Strasbourg).
Afin de stimuler le transport par barge dans le port, l’Autorité portuaire d’Anvers a élaboré un plan directeur pour le transport fluvial. L’utilisation des TIC permet aussi d’assurer une meilleure fluidité du trafic :

  • Le système de transport par barge (BTS) offre une plateforme pour la communication entre les terminaux et les opérateurs de barges pour organiser la pré-annonce de barges aux terminaux et mieux programmer les opérations. Actuellement disponible pour les barges de conteneurs, il va être étendu ;
  • Le Système d’identification automatique permet à l’Administration portuaire de veiller à la fluidité du trafic (planification des écluses, proposition d’itinéraire), via la transmission automatique des données concernant le nom, la position, la vitesse et la destination des barges.

Enfin, un élément important du plan directeur porte sur la connexion avec l’hinterland. Dans ce cadre, l’autorité portuaire participe à hauteur de 20 % dans le terminal à conteneurs ‘Beverdonk’, un “Transferium” sur le canal Albert, à 36 km d’Anvers, opérationnel depuis début 2012. Le terminal de DP World, ouvert à tout utilisateur et pour des départs dans n’importe quel port, peut traiter actuellement 60.000 EVP sur un quai de 200 mètres (extension à 300.000 EVP possible) et vise à constituer un point de consolidation pour les conteneurs à destination et en provenance d’Anvers. Une barge représente 400 poids-lourds (et chauffeurs) de moins sur les routes ! Ce terminal permet de récupérer une partie du trafic routier à destination et en provenance d’Anvers, juste avant l’intersection de la E313 et E34, extrêmement congestionnées, d’où une forte économie de temps qui compense les coûts de la rupture de charge supplémentaire.

On peut aussi noter le Service Barge Premium, lancé à l’initiative des manutentionnaires PSA et DP World Anvers, de l’opérateur fluvial ABC, avec la Capitainerie de l’Autorité portuaire d’Anvers (pour la programmation des écluses), qui offre un “service de navette » régulier à l’intérieur du port. Chaque jour, une barge relie les six terminaux à conteneurs où elle charge et décharge les conteneurs en transit.

Des accès routiers saturés mais indispensables

Malgré tous les efforts visant à améliorer la répartition modale, il est prévu que le transport routier ne baisse que légèrement en 2020 (42% de tous les transports vers et à partir du port contre 47% actuellement). L’autorité portuaire effectue régulièrement des analyses de marché et enquêtes cordons. Les résultats sont utilisés dans les mesures politiques et des actions spécifiques. Ont été enquêtés les conteneurs : d’où viennent-ils, quelle est leur destination, sont-ils pleins ou vides ? En septembre 2011, l’Administration portuaire a aussi effectué un comptage de la circulation à grande échelle sur le transport routier dans et autour du port. Sur la base de ce décompte, l’Autorité portuaire espère avoir une meilleure compréhension du rapport entre le trafic de transit et de circulation des poids lourds liée au port.

Le short sea

En 2011, le Port d’Anvers a traité plus de 85 millions de tonnes de fret maritime à courte distance, ce qui en fait le premier port belge dans ce domaine (part de marché de 62%). 45% du volume de transbordement d’Anvers est en Short Sea Shipping. MSC a fait par exemple d’Anvers son Hub pour ses destinations européennes avec des services au Royaume-Uni (Grangemouth, Teesport, Tilbury, Felixstowe, Liverpool, Portbury), France (Le Havre, Le Verdon, Fos-sur-Mer, Montoir, Brest, Dunkerque), Irlande (Belfast, Dublin, Cork), Espagne (Bilbao, Gijon), ainsi que la région de la Baltique (Allemagne, Suède, Danemark, Norvège, Finlande, Pologne, Lituanie, Lettonie, Estonie, Russie).


  • Anvers : une réussite emblématique ?

La très intéressante présentation qui nous a été faite par Kris de Craene, au matin de notre visite, nous a permis de relever, plutôt que la liste des bonnes pratiques en matière sociale et environnementale, quelques points forts dans la manière dont est appréhendé le développement durable et les relations entre les nombreuses parties prenantes concernées par l’activité portuaire.

Une vision partagée du développement du port grâce notamment à une implication et collaboration de toutes les parties prenantes

Le port d’Anvers est l’un des plus grands dans le monde en termes de superficie, avec l’Escaut comme « ligne de vie ». Le port s’est étendu au cours des dernières décennies de son quartier historique sur la rive droite pour inclure la rive gauche de l’Escaut. Le maintien d’un équilibre entre l’expansion économique du port et le respect pour les habitants de l’environnement et de la nature est un exercice délicat. Par ailleurs, le port d’Anvers est le plus grand cluster intégré en matière d’industrie chimique en Europe… Surtout, avec l’expansion des quinze dernières années et la prochaine mise en service de la zone de développement ‘Saeftinghe’, le port aura atteint ses limites physiques. Pour la première fois, ses décideurs sont confrontés à la notion de «finitude» pour la planification portuaire. Pour pouvoir continuer à croître, l’aménagement intercalaire, le rezonage et l’investissement seront les mots-clés pour l’avenir, en lien avec la durabilité.

Néanmoins, bénéficiant d’un haut niveau de synergie entre les activités maritimes, logistiques et industrielles, sa multifonctionnalité génère une grande valeur ajoutée pour la ville, la région et le pays et de nombreux emplois (150.000 en tout) et, à ce titre, son développement est souhaité par tous et cela constitue un atout majeur… qui doit et veut être entretenu.

La réponse collective de la communauté portuaire à la crise financière mondiale, à travers un « Plan total », a été un catalyseur important pour le débat sur la durabilité au niveau du port. La vision politique de l’environnement pour le port d’Anvers, qui a été développé par l’Autorité portuaire d’Anvers en 2007 en consultation avec le Linkerscheldeoever Maatschappij (société gestionnaire de la rive gauche), Alfaport (fédération d’associations industrielles) et VOKA-Chambre de Commerce et d’Industrie, fait toujours référence. La publication d’un rapport de développement durable pour le port d’Anvers, en conformité avec la norme Global Reporting Initiative, est un résultat direct des réflexions d’un comité de pilotage « développement durable » associant lors de 4 réunions toutes les parties prenantes (entreprises, transporteurs, collectivités territoriales et institutions, syndicats, associations environnementales, agricoles…).

La notion de « Plan total » comme l’accord des parties prenantes sur le projet stratégique du port, et les lourdes infrastructures nouvelles qu’il implique, sont issus d’une réflexion globale et prospective, visant à conjuguer développement économique et social et respect des équilibres environnementaux. Celle-ci a été menée à une échelle pertinente - l’ensemble du domaine portuaire, et son hinterland – et n’engendre pas de « négociations au coup par coup ». Le domaine portuaire a semble-t-il été réparti entre des zones naturelles à protéger, dont l’Autorité portuaire délègue directement la gestion à deux associations environnementales reconnues nationalement, et des espaces affectés au développement économique, gérés au mieux en termes environnementaux par le port, qui n’a pas à négocier parcelle par parcelle chaque projet.

La gestion du port par les collectivités locales, à l’instar des autres ports belges, contribue peut-être à une harmonie ville-port qui fait parfois défaut en France. L’imbrication entre activités portuaires, logistiques et industrielles, formant un tout cohérent très générateur d’emplois, n’y est sans doute pas étrangère non plus. Surtout elle est « objectivée » chaque année par un rapport de la Banque Nationale Belge qui permet à tous de mesurer les moteurs économiques et sociaux que sont ces ports pour leurs villes respectives et la région flamande.


Une vision prospective conjuguant pragmatisme économique et acceptabilité sociale

C’est sous le slogan « Forts grâce à la collaboration » que la façon d’aborder la crise et, surtout, d’élaborer une vision pour l’avenir durable d’Anvers, en tant que port de classe mondiale, a été définie. Il s’agissait selon ses promoteurs de développer « une vision et une politique stratégique stable qui ne change pas de direction à chaque changement de situation économique », le « stop and go ou zigzag politique créant seulement un manque de clarté et de l’incertitude pour la communauté portuaire ainsi que pour les autres parties prenantes ».

Pour lutter contre l’attrait des ports voisins en eau profonde, offrant aux porte-conteneurs géants une meilleure accessibilité tout en minimisant leur perte de temps (facteur qui devient un point très sensible avec le développement du Slow steaming), le port d’Anvers compte profiter du contexte de renchérissement du transport routier pour transformer en avantage concurrentiel sa spécificité : être apte à recevoir (non sans quelques perturbations dans la circulation des autres navires) les plus grands navires maritimes jusqu’à 80 km à l’intérieur de la région la plus urbanisée et industrialisée de l’Europe. Pour ce faire, il souhaite développer d’ores et déjà des solutions massifiées très compétitives, qui lui permettront en outre de conforter son acceptabilité sociale en minimisant les nuisances liées à la croissance de son trafic localement et dans son hinterland. Même s’il est aidé en cela par la concentration des flux de marchandises qui lui apporte une masse critique suffisante, force est de constater que ses investissements dédiés à l’amélioration de la compétitivité des modes ferré et fluvial anticipent largement les besoins existants.

C’est d’ailleurs un point qui nous est apparu clairement lors de cette mission : dans le domaine portuaire au moins, les décideurs publics et privés n’hésitent pas à anticiper la demande en lançant de lourds investissements d’infrastructures, semblant faire leur la loi de Say « l’offre crée la demande ». Cela se manifeste pour les travaux sur les écluses (Zeebrugge, Anvers), en matière de développement de nouveaux bassins ou zones (les trois ports), de mise en place de services annexes (PIF, barges…), d’innovation (utilisation des TIC pour améliorer la productivité, pari sur les énergies nouvelles (Gand), innovations en matière de transport : 45’, barges estuaires…).

1 - A titre d’exemples : BASF a investi plus d’1 milliard d’euros dans ses sites anversois ; cinq terminaux greenfield y ont été construits depuis 2010…



Les visites

Katoen Natie.
A l’occasion de notre visite d’Anvers, nous avons eu le pri-vilège d’être reçus par Marc Keymeulen, directeur grands comptes de la Branche Biens de consommation – Retail pour les implantations anversoises de la société Katoen Natie et Gilles Gautheret, responsable du développement commercial venu spécialement d’Île de France. Nous avons pu visiter deux de leurs très nombreux entrepôts, un spécialisé dans le textile, l’autre dans les matières dangereuses.

Les racines de Katoen Natie se trouvent dans le port d’Anvers, en Belgique, où la société s’est créée en 1854 en tant que coopérative dédiée essentiellement à la réception et la manutention du coton et produits assimilés. Elle y dispose d’ailleurs de 800.000 m² d’entrepôts construits et 120.000 constructibles ! Après s’être diversifiée dans la pétrochimie, l’automobile et les biens de consommation dans les années 80, elle s’est internationalisée à compter de 1993. Elle réalise désormais un CA d’environ 1 milliard d’euros, emploie 9.500 personnes et possède en propre 5 millions de m² d’entrepôts (dont 126.000 m² construits à Saint Martin de Crau et 140.000 m² en projet).
- Katoen Natie a pour ambition de fournir, pour un certain nombre d’industries-clés (pas la grande distribution, ni l’agroalimentaire), de la logistique intégrée et sur mesure : entreposage et stockage, emballage et conditionnement, transport et distribution, services à valeur ajoutée dont systèmes d’information, nettoyage et réparation, opération portuaires… Ceci en toute indépendance puisque elle n’assure pas elle-même la prestation de transport.
- Pour des industries aussi variées que des producteurs ou transformateurs de matières plastiques, de produits pharmaceutiques, de chimie fine, des équipementiers automobiles et indus-triels, la société propose aussi la conception, construction, maintenance de lignes de production (permettant par exemple la manipulation du produit, son dosage, les mélanges…), comme la construction clé en main de sites.

L’entrepôt visité dans le cadre de la division Biens de consommation, dédié à des articles de sportwear, a permis aux participants de voir comment on pouvait conjuguer en un même lieu un côté très « artisanal » - picking à la pièce dans des bacs - et une optimisation industrielle poussée - convoyeurs mais surtout machine automatique (Jivaro © Savoye) permettant de découper et fermer chaque carton (destiné à l’un des 15.000 points de vente européens desservis !) selon son degré de remplissage, afin de ne pas transporter du vide. Avec un niveau de commandes pouvant varier de 1 à 3 selon la saison, il est apparu évident que la gestion optimale des moyens (de 100 à 350 personnes en fonction des saisons) requerrait une réelle expertise professionnelle.
L’outil dédié au dioxyde de titane (dans votre dentifrice en particulier), générant pour le port un trafic de 25.000 conteneurs nous a permis de mesurer la frontière ténue existant entre logistique et industrie. L’ensemble des lignes de traitement déployées évoquait de fait plus une usine qu’un entrepôt et nous ont permis de voir l’apport possible de l’expérience d’un acteur issu de la logistique dans l’optimisation du traitement des produits, avec développement de solutions technologiques parfaitement adaptées aux spécificités de la marchandise et à son mode de conditionnement.

VLS – Group
Katoen Natie, nous nous sommes dirigés vers un des six dépôts anversois de la société VLS où nous a accueilli Eddy Geudens.
La société européenne VLS, issue de l’abandon par Vopak de sa division logistique en 2003, est spécialisée dans le stockage de marchandises dangereuses et l’apport de services logistiques annexes : manipulation de produits, reconditionnements, transports… Au total elle dispose de 200.000 m² d’entrepôts, de 95 000 m3 de citernes et 18 lignes de conditionnement (produits liquides ou solides).
Elle a un projet d’implantation au Havre.
Sur Anvers, la société dispose de 150.000 m² de surface d’entrepôts (connectés rail) et 9 500 m² de parking pour le stationnement de conteneurs.
Elle gère aussi le stationnement de conteneurs : ainsi, la Capitainerie du port peut demander à VLS de gardienner des conteneurs sur leur terre-plein dès lors que le délai de 24 heures de stationnement chez les manutentionnaires est dépassé (à noter qu’en fonction des franchises par classe de produits, les délais de stationnement varient). La Capitainerie contacte VLS, lui indique tous les éléments sur la marchandise, compagnie maritime, etc. VLS organise (ou pas) le transport entre les sites, facture la prestation de stationnement et, éventuellement, d’autres prestations à la marchandise. Dans les faits, c’est la compagnie maritime qui refacture ou prend à sa charge le coût de stationnement en fonction des accords commerciaux avec son client. Les conteneurs peuvent rester plusieurs jours jusqu’à l’arrivée du navire retardé.

Nous avons pu visiter la « salle de contrôle » des entrepôts qui permet de piloter automatiquement et à distance les dispositifs d’incendie (variables selon les types de marchandises stockées) des différentes cellules, dans l’attente d’une éventuelle intervention des pompiers qui sont à moins de 20 mn de distance (quel que soit le degré de congestion).


1 - Conçues pour supporter des vagues de 2m (contre 0.8 à 1 m pour les barges classiques), elles coûtent à la production 25 % plus cher mais ce surcoût a été financé par subventions.

Voir également :
- le Port de Gand
- le Port de Zeebrugge

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